Culture

Culture, nature et modernité au centre de Beijing
By CAO YAN* | Dialogue Chine-France | Updated: 2025-08-04 15:54:00

L’Axe central de Beijing incarne une harmonie vivante entre patrimoine culturel, nature urbaine et vie contemporaine. 

Vue sur l’avenue Qianmen à travers une meurtrière de la Tour des Archers de la porte Zhengyangmen, le 21 janvier 2025 (PHOTO : YU JIE) 

Il y a un an, l’Axe central de Beijing : un ensemble de constructions représentant l’ordre idéal de la capitale chinoise a été officiellement inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. S’étendant sur 7,8 km du nord au sud de la capitale, cet axe constitue non seulement l’ossature spatiale de la ville, mais aussi une expression brillante et condensée de la culture traditionnelle.

Comment redécouvrir les charmes uniques de l’Axe central de Beijing pour mieux comprendre cette ancienne capitale ? C’est possible avec plus de 80 éléments représentatifs du patrimoine culturel immatériel national, en lien avec cet axe ou ses zones clés, que l’on découvre en vélo pour en faire l’une des expériences les plus typiquement pékinoises. Mais c’est aussi possible en regardant les martinets qui volent au-dessus de la Salle des prières pour les récoltes au Temple du Ciel, ces compagnons ailés de la capitale depuis plus de 600 ans et ambassadeurs de la candidature de l’Axe central de Beijing à l’UNESCO.

Un patrimoine au cœur de la vie moderne 

Selon Li Jianping, ancien président de la Société d’histoire de Beijing, ce qui rend l’Axe central de Beijing unique, c’est que chaque site patrimonial y exprime à la fois une dimension matérielle et spirituelle.

Tôt le matin, sur le côté nord de la rue Zhushikou Ouest, des chants d’opéra et les sons mélodieux du jinghu (violon traditionnel de l’opéra de Pékin) résonnent dans un petit parc. Les passants forment un demi-cercle pour écouter, mêlant chanteurs, musiciens et spectateurs à cette scène matinale. Ce petit jardin s’appelle Jingyunyuan (Jardin des rythmes de Beijing), et constitue une station du périple pékinois de Wei Man, une passionnée d’opéra.

En déambulant dans les hutong de Baishun et de Hanjiatan, elle passe devant des bas-reliefs représentant des scènes classiques de l’opéra, s’arrêtant pour lire attentivement les panneaux explicatifs aux portes des anciennes résidences, comme si elle suivait une carte retraçant l’histoire de l’opéra de Pékin. « Quand la culture de l’opéra de Pékin s’intègre à la vie quotidienne, cela donne des scènes vraiment vivantes », confie-t-elle.

Pour les amateurs de culture traditionnelle, l’Axe central de Beijing regorge de surprises. Il suffit de déambuler dans un hutong pour tomber sur l’ancienne résidence d’une célébrité, rattachée à un épisode marquant de l’histoire.

À l’Usine d’émail cloisonné de Beijing, les visiteurs peuvent observer de près les techniques de fabrication du cloisonné (jingtailan), ce qui vaut le coup d’œil car la réalisation d’une pièce nécessite plus d’une centaine d’étapes, chacune demandant une extrême précision.

Au magasin Neiliansheng, une marque centenaire renommée dans le quartier Dashilan, le rez-de-chaussée est occupé par des étals remplis de chaussures traditionnelles, tandis que le premier étage est dédié à des expériences culturelles mêlant tradition et modernité, et le deuxième étage abrite un musée consacré à la culture des chaussures en toile de Beijing.

La boutique Zhongzhou Shili de la chaîne Quanjude, spécialisée dans la gastronomie inspirée de l’Axe central de Beijing, propose seize bouchées typiquement pékinoises, telles que les aiwowo (boulette de riz gluant), les wandouhuang (gâteau de pois cassés) et les lüdagun (gâteau roulé au riz gluant).

« Le patrimoine immatériel connaît une nouvelle jeunesse. Les nouveaux modes d’expérience du patrimoine s’intègrent à la vie contemporaine et révèlent la valeur actuelle du patrimoine culturel de l’Axe central de Beijing », remarque Zheng Fang, directrice adjointe du Bureau municipal de la culture et du tourisme de Beijing.

Des touristes chinois et étrangers visitent la Salle des prières pour les récoltes au Temple du Ciel, le 25 juin 2025 

Un parcours en vélo pour devenir un acteur de l’histoire 

Selon Dou Junjie, guide national bilingue senior et ambassadeur de la candidature de l’Axe central de Beijing à l’UNESCO, le vélo transforme la ville en musée vivant. Pour découvrir cet axe urbain en vélo, beaucoup choisissent de commencer depuis son extrémité sud, la porte Yongdingmen, puis de passer par la porte Zhengyangmen, la place Tian’anmen, la Cité interdite, le parc Jingshan, le pont Wanning, pour enfin atteindre les Tours de la Cloche et du Tambour. À chaque coup de pédale, les paysages changent et ces repères historiques s’enchaînent comme une fresque vivante de l’ancienne capitale.

En traversant les quartiers animés de Zhushikou et de l’avenue Qianmen, puis en longeant l’avenue Nanchizi, bordée d’arbres et imprégnée d’une atmosphère paisible et populaire, les cyclistes ressentent pleinement le rythme de la ville. Le pavillon Wanchunting du parc Jingshan, culminant à plus de 40 m, constitue l’un des points les plus élevés de l’Axe central de Beijing. La vue panoramique est à couper le souffle.

Parcourir l’Axe central de Beijing à vélo, ce n’est pas seulement admirer l’architecture, c’est aussi lire et ressentir la culture. Situé au n°10 de la rue Jingshan Houjie, le Musée de l’épigraphie de Beijing est un nouveau repère culturel sur l’Axe central de Beijing. Il a été aménagé à partir du temple Qingyun de la dynastie des Ming (1368-1644). Son agencement traditionnel en deux cours orientées sud, ses bâtiments bien conservés, et sa riche collection liée à l’art épigraphique en font un lieu d’une grande valeur patrimoniale.

En repartant du musée pour se diriger vers la porte Di’anmen, on croise un vestige encore plus ancien que la Cité interdite : le pont Wanning, un ouvrage en pierre de la dynastie des Yuan (1271-1368). Ses arches massives témoignent du passage du temps, et les sculptures en relief de créatures mythiques censées dompter les eaux, gravées au sommet des arches, ressortent nettement sous la lumière du soleil.

Une fois le cycliste arrivé aux Tours de la Cloche et du Tambour, le quotidien de l’Axe central de Beijing reprend ses droits. Des boutiques de design culturel, des cafés, des librairies… tout un éventail d’activités nouvelles témoigne du dynamisme de la ville moderne. Non loin de là, le café Dianjiangchun, sur le thème de l’opéra de Pékin, marie tradition et tendances contemporaines. « Nous organisons souvent des ateliers d’initiation à l’opéra de Pékin. À travers ce concept combinant café et opéra, nous voulons offrir aux citadins et aux visiteurs un espace unique, imprégné de la douceur et du romantisme propres à Beijing», explique Liu Zhen, son propriétaire.

Quand le soleil couchant dore les contours des Tours de la Cloche et du Tambour, la balade touche à sa fin. « Ce qui fait le charme de l’Axe central de Beijing, c’est qu’il permet à chaque cycliste de devenir un acteur de l’histoire », explique Dou Junjie.

Un paradis naturel au cœur de la ville 

Exercice avec le ruban de danse du dragon coloré devant la Tour du Tambour, le 30 novembre 2024 

L’Axe central de Beijing est aussi un axe écologique, incarnant la sagesse d’une cohabitation harmonieuse entre l’homme et la nature. Cet axe traverse de véritables oasis urbaines regorgeant de vie, attirant une multitude d’espèces animales et végétales, plus particulièrement les oiseaux.

Vus du ciel, l’intérieur et l’extérieur du parc du Temple du Ciel sont enveloppés d’un vaste manteau de verdure. Avec un taux de couverture végétale atteignant 90 %, le parc est le plus grand poumon vert situé à l’intérieur du deuxième périphérique de la capitale, et il offre un habitat idéal aux oiseaux et diverses espèces sauvages.

Un matin de mi-juin, des gros-becs à queue noire sont particulièrement actifs. Puis, ce sont les merles, les étourneaux gris, les pics épeiches et les huppes fasciées qui entrent dans le champ de vision. Ce qui est frappant, c’est que ces oiseaux ne semblent nullement effrayés par la présence humaine. On peut les voir traverser les sentiers du parc en toute décontraction. Tout comme les écureuils ou les chats sauvages du parc, les oiseaux y vivent avec une aisance à la fois curieuse et joyeuse, tissant un lien de proximité inattendu avec les visiteurs.

Selon Dajiu, guide d’observation des oiseaux de l’association naturaliste des Amis de la nature, le parc du Temple du Ciel n’abrite pas que des espèces résidentes. Au printemps et en automne, de nombreux oiseaux migrateurs effectuant de longs trajets y font halte pour se reposer et se nourrir. En empruntant les sentiers boisés du parc, on croise des oiseaux à chaque détour. Près de la Salle des prières pour les récoltes, les martinets survolent de toute part les dômes de l’édifice. « C’est en été qu’ils sont les plus nombreux. Le martinet est l’espèce emblématique des oiseaux migrateurs estivaux de Beijing », explique un éducateur en environnement. Chaque année, dès février, ils quittent l’extrême sud du continent africain, traversent la mer Rouge, survolent plusieurs pays d’Asie centrale, franchissent les monts Tianshan et arrivent sans faire de pause jusqu’à Beijing. Du début du printemps à l’été, ils y construisent leur nid, pondent, couvent et élèvent leur portée.

Loin d’être un lieu étranger, l’Axe central de Beijing fait ainsi partie du quotidien de milliers d’habitants. Où que l’on regarde, les oiseaux sont présents. Grâce à l’observation ornithologique, l’homme, l’histoire et la nature peuvent se rencontrer en harmonie et en toute intimité.

*CAO YAN est journaliste au Tourisme de Chine.

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