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Vers une Chine verte…
By Lionel Vairon | Dialogue Chine-France | Updated: 2020-10-09 10:45:00

   En août 2005, Xi Jinping, alors secrétaire du comité du Parti pour la province du Zhejiang, se rendit en visite dans le district d’Anji. Celui-ci était dévasté par des décennies d’activités minières intensives et un voile noir recouvrait largement la nature et les habitations. Frappé par cette situation dramatique, et après un long échange avec les responsables du district, Xi Jinping formula ce qui allait être la ligne de conduite de la Chine sous sa direction lorsqu’il devint président de la République : « de l’eau bleue et des montagnes vertes », objectif central auquel les autorités chinoises se sont depuis lors attelées. Une visite dans le district d’Anji aujourd’hui, vert et entièrement axé sur la préservation de l’environnement comme un grand nombre d’autres districts, prouve au visiteur que la volonté politique peut surmonter tous les obstacles et renverser les tendances dans le domaine environnemental.

  Certes, la Chine n’a pas découvert les problèmes environnementaux en 2005. Depuis l’adoption de la Loi sur la protection de l’environnement le 26 décembre 1989, les textes se sont succédé au fil des années afin de tenter de régler progressivement les problèmes apparus au cours du développement économique dans le cadre des réformes. Dans cet élan du développement, le respect de ces règlements se heurtait le plus souvent à la problématique des sanctions. En janvier 2015, le ministère de l’Environnement adopta une nouvelle politique de fermeté à l’encontre des violations des lois sur la protection de l’environnement. Mais le respect de l’environnement n’est pas une simple question d’application des lois, il s’agit surtout d’éducation des citoyens et des entreprises. Une étude récente a ainsi montré qu’un tiers des Français jetaient encore des déchets par la fenêtre de leur voiture alors que le groupe industriel français Lafarge déversait ses déchets dans la Seine…

  Faire respecter les « lois vertes »

  L’effort que nous constatons en faveur du respect de l’environnement est particulièrement impressionnant en Chine, qu’il s’agisse des petits districts ruraux ou des grands centres urbains. La politique environnementale lancée par le gouvernement chinois est désormais en bonne voie malgré les obstacles qui demeurent. La Chine avait pris du retard dans un certain nombre de domaines depuis des années, en particulier dans celui des mines de charbon, encore indispensables à la production nationale d’énergie. Mais avec la priorité officielle donnée à une « économie verte », à des « projets verts », elle se positionne désormais en faveur d’une croissance qualitative qui tiendra compte des paramètres environnementaux. Nous assistons à des progrès technologiques et à des recherches tous azimuts afin de réaliser cet objectif, avec des investissements massifs de l’État et du secteur privé, souvent avec le soutien public, dans les secteurs de l’éolien, du solaire, de l’hydraulique, des plantations de végétaux dépolluants, de la culture des algues mangeuses de CO2 et des hautes technologies comme la fusion nucléaire et l’hydrogène sans émissions. La prochaine COP15-Biodiversité se tiendra d’ailleurs en mai 2021 à Kunming, en Chine.

  Les crises répétées ces dernières années en matière de pollution de l’air et de l’eau ont conduit les responsables à formuler des directives très fermes à l’intention des différents niveaux de collectivités locales, directives aujourd’hui de plus en plus respectées et, après avoir rencontré de nombreux responsables locaux et étudié les politiques mises en œuvre, avec un certain enthousiasme, nous avons directement constaté sur le terrain. Naturellement, la problématique environnementale affecte tous les niveaux de la société et la prise de conscience de la nécessité d’une action urgente en est largement facilitée. Nous avons ainsi observé des districts qui, ayant mis en œuvre une politique « verte » particulièrement réussie, ont ainsi convaincu les districts avoisinants, dans une osmose de plus en plus étendue, de l’intérêt pour le bien-être de la population d’adopter à leur tour des mesures de protection de l’environnement.

  L’UE et la Chine assurent le leadership

  Figurant toujours parmi les cinq premiers émetteurs de CO2 de la planète, la Chine a choisi une politique très volontariste de lutte contre le réchauffement climatique. La dimension géographique et démographique du pays rend les progrès lents, mais ils sont constants. Avec le retrait des États-Unis le 1er juin 2017 de l’Accord de Paris, la Chine a pris la tête, aux côtés de la France, de la lutte internationale contre ce fléau. En novembre 2019, l’Appel de Beijing sur la conservation de la biodiversité et le changement climatique lancé à l’occasion de la visite du président français Emmanuel Macron en Chine fut particulièrement apprécié car, s’il ne donnait pas lieu à de nouvelles orientations, il réitérait avec force l’engagement des deux pays pour la préservation du multilatéralisme et l’amélioration de la gouvernance mondiale afin de faire face aux changements climatiques.

  La France, et plus largement l’Union européenne, et la Chine ont par conséquent affirmé leur volonté, face à la politique climatosceptique et unilatéraliste de l’administration de Donald Trump. L’Union européenne a d’ailleurs montré sa volonté en créant, pour la première fois, un poste d’envoyé spécial pour le climat. Les deux pôles européen et chinois peuvent s’enrichir mutuellement de leurs expériences et bénéficier des avancées technologiques des deux parties. Les progrès technologiques donnent naturellement lieu à une concurrence commerciale forte, par exemple dans le secteur du développement de l’hydrogène propre, si elle demeure honnête et ne peut que bénéficier à l’ensemble de la population de la planète. Les choix successifs pris à Washington, tournant le dos aux décisions internationales en matière de lutte contre les changements climatiques, ne peuvent cependant que constituer un obstacle dans ce combat compte tenu du poids économique des États-Unis, mais il est raisonnable d’espérer qu’une future administration américaine plus réaliste et consciente des menaces qui pèsent sur la planète sera capable de renverser cette tendance et de rejoindre le reste de la communauté internationale.

  Lors de sa récente tournée européenne, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a évoqué avec ses interlocuteurs, en particulier en France avec le président Emmanuel Macron et le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, la nécessité d’une coordination accrue des actions entre l’Europe et la Chine en prévision en particulier de la COP26 qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021. Dans ce dossier essentiel de la lutte contre les changements climatiques, la France et la Chine possèdent une convergence de vues qui ne peut que contribuer à favoriser la gouvernance mondiale en produisant un effet d’entraînement très positif.

 

  Lionel Vairon • ancien diplomate, professeur et sinologue, chercheur senior de l’Institut Charhar

Numéro 12 avril-juin 2022
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