Société

Sur la voie du développement vert et sobre en carbone
By CHEN YING* | Dialogue Chine-France | Updated: 2024-04-15 16:54:00

Devant le défi croissant que constitue le changement climatique, la transition vers un développement vert et sobre en carbone fait l’objet d’un consensus général. Les 193 parties à l’Accord de Paris ont proposé des objectifs de contribution déterminée au niveau national (CDN) et plus de 150 ont déjà déterminé des objectifs de zéro émission nette, de neutralité carbone ou de neutralité climatique. La 28e Conférence des Parties (COP28) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en décembre 2023 est parvenue au Consensus des Émirats arabes unis et a proposé la transition vers l’abandon des combustibles fossiles, marquant le début d’une nouvelle ère pour mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles. 

La ville verte de Tangshan (Hebei), le 7 octobre 2022 

La Chine garde le cap sur son objectif « double carbone » 

Le 22 septembre 2020, la Chine a annoncé l’objectif « double carbone », à savoir atteindre le pic des émissions de CO2 avant 2030 et la neutralité carbone avant 2060. Au cours de ces trois dernières années, la Chine a mis en place à cet effet le système dit « 1+N » pour prendre des mesures à tous les niveaux (ministériels, locaux et au sein de la société) et à la date du 1er octobre 2023, 31 provinces, municipalités et régions autonomes de Chine avaient formulé leurs plans. En 2022, le mécanisme China Carbon Neutrality Tracker a recueilli 398 plans pour l’objectif « double carbone », et 139 plans en 2023. L’intensité carbonique au niveau provincial continue dans une large mesure de diminuer et la croissance économique dépend moins des émissions. Environ un tiers des régions au niveau provincial ont maintenu un niveau d’émissions totales de CO2 stable ou en baisse tout en augmentant leurs agrégats économiques, et sont parvenues à découpler la croissance du PIB et les émissions de CO2. 

Le Livre vert sur le changement climatique 2023 montre que les initiatives « double carbone » au niveau urbain ont également réalisé des avancées. La grande majorité des villes pilotes à faible émission de CO2 ont obtenu de meilleurs résultats que les autres villes. 

Hall d’exposition des énergies nouvelles de Jungar 

La transition énergétique des villes qui dépendaient de l’extraction, de la transformation et de la vente de matières premières a fait l’objet d’une forte attention, en particulier les villes dont le développement économique repose en majeure partie sur les secteurs à forte intensité énergétique (secteurs pétrolier, chimique, minier et industries lourdes). De par leur structure économique et énergétique, ces villes sont gourmandes en énergie et leurs émissions élevées. La transition verte et sobre en carbone s’avère donc difficile. L’objectif « double carbone » et les politiques visant à encourager cette transition leur ont cependant ouvert de nouvelles opportunités. Chaque ville s’efforce ainsi d’explorer les moyens d’atteindre cet objectif en fonction de ses propres dotations en ressources, de ses conditions de développement socio-économique et des conditions locales. 

Des villes industrielles réussissent leur transition verte 

Baotou (Mongolie intérieure) est une ville industrielle axée sur la métallurgie, les terres rares et les machines-outils. Durant sa phase de transition, elle compte devenir une « capitale mondiale du silicium vert ». Elle a accueilli les premières entreprises de fabrication de panneaux solaires vers 2018, et le secteur du silicium s’est rapidement développé au cours de ces dernières années. À l’heure actuelle, la ville compte 12 entreprises de première importance dans le photovoltaïque. La capacité de production de silicium polycristallin et monocristallin représente environ 40 % de la production nationale et devrait passer à 50 % d’ici 2025. Sa part dans la capacité de production mondiale devrait atteindre 45 %. Baotou est riche en ressources éoliennes et solaires, avec une capacité éolienne disponible de 25,4 millions de kW, contre 36 millions de kW pour le solaire. Quatre canaux de transmission de 500 kV composés à 100 % d’énergies nouvelles sont en construction. La proportion d’électricité verte utilisée dans le secteur photovoltaïque devrait atteindre plus de 40 % en 2025 et 50 % en 2030. Les produits à base de silicium cristallin vert seront exportés pour faire véritablement de la ville la « capitale mondiale du silicium vert ». 

Autre exemple, Tangshan (Hebei), qui était autrefois connue sous le nom de « ville de l’acier ». Sa production d’acier représentait environ la moitié de celle de la province. La ville s’est engagée dans la transition verte, haut de gamme et intelligente de son secteur sidérurgique. Elle a aussi développé le secteur des énergies nouvelles à partir de l’électricité verte et de l’hydrogène vert pour formuler un modèle qui intègre l’énergie éolienne offshore et le stockage d’énergie à base d’hydrogène. Fin 2023, la capacité installée en solaire et en éolien atteignait 3,242 millions de kW. La transition vers un développement vert et à faible émission de CO2 a également grandement amélioré la qualité de l’air sur place. 

Prairie du parc écologique de Saihantala à Baotou (Mongolie intérieure), le 15 juillet 2023 

Des opportunités à saisir dans le vert 

L’objectif « double carbone » ouvre également de nouvelles opportunités pour le développement économique vert et sobre en carbone dans les zones riches en énergies nouvelles. Dans le désert de Gobi, le parc photovoltaïque de Talatan (Qinghai), avec ses précipitations peu fréquentes, sa végétation éparse, son terrain relativement plat et un ensoleillement annuel moyen de plus de 1 800 heures, remplit tous les critères pour l’installation de panneaux solaires. Depuis 2011, on y a construit le plus grand parc de production d’énergie photovoltaïque au monde. Sur une superficie de 54 km2, il compte plus de 7 millions de panneaux solaires avec une capacité totale installée de 2,2 GW. Pour combler certaines lacunes, le parc adopte diverses mesures pour se protéger du vent et fixer le sable, et prend en compte la restauration écologique. Grâce aux panneaux solaires qui bloquent la lumière du soleil et réduisent l’évaporation de l’eau, la couverture de plantes indigènes dans le parc est passée de 15 % à 65 % depuis sa construction. Le parc photovoltaïque coopère aussi avec les bergers locaux et a introduit des moutons pour empêcher la prolifération de la végétation sous les panneaux (ce qui pourrait nuire à la production d’électricité), créant ainsi une situation gagnant-gagnant en combinant la production d’énergie propre, la restauration écologique et la possibilité pour la population locale de gagner de l’argent. Les « moutons photovoltaïques » paissant tranquillement sous les panneaux font désormais partie du paysage local. 

La demande pour la transition verte dans diverses régions de Chine a également conduit au développement à grande échelle du secteur des énergies nouvelles. Dans les régions économiquement développées de l’Est, la concentration de talents a permis le développement rapide des industries connexes. Par exemple, la ville de Changzhou (Jiangsu) continue d’innover et de moderniser la chaîne industrielle de l’énergie photovoltaïque, des batteries à fonction motrice et de stockage d’énergie, ainsi que des nouveaux équipements électriques et des véhicules à énergies nouvelles. Dans le domaine des batteries, sa production et ses ventes représentent la moitié de celles de la province du Jiangsu et environ un cinquième de la production et des ventes totales du pays, se classant ainsi au premier rang du pays. 

La délégation de partis politiques azerbaïdjanais visite le plus grand parc photovoltaïque au monde à Talatan, dans le district de Gonghe (Qinghai), le 13 septembre 2023. 

Changzhou compte plus de 160 entreprises spécialisées dans la production et le support industriel, attirant quatre entreprises de premier plan classées parmi les dix premières au monde en termes de capacité installée de batteries électriques, couvrant 31 maillons clés allant des composants de batteries à la R&D dans les technologies de systèmes. Avec la production d’électricité, son stockage, son transport et ses applications, le degré d’intégrité de la chaîne industrielle atteint 97 %, ce qui classe la ville également au premier rang du pays. La Liste Hurun 2023 des villes de Chine pour l’intégration du secteur des énergies nouvelles montre que l’intensité des investissements dans les énergies nouvelles de Changzhou continue de se classer au premier rang du pays. 

La Chine est un grand pays en développement et chaque région est différente en termes de développement et de dotations en ressources. Elles ont adapté leurs mesures aux conditions locales et exploitent leurs atouts en ressources naturelles. Les mesures gouvernementales permettent aux autorités locales, aux entreprises et aux différentes organisations de trouver des voies adaptées et d’obtenir des résultats concrets.  

*CHEN YING est directrice adjointe et chercheuse au Centre de recherche sur le développement durable (Académie des sciences sociales de Chine) 

 

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