Société

Nouveau « thé » à Songyang
By MA LI, membre de la rédaction | Dialogue Chine-France | Updated: 2023-10-17 11:11:00
Nous sommes le 7 septembre, au village de Xuzheng dans le bourg de Xinxing, qui se trouve dans le district de Songyang (Zhejiang). Dès l’aube, Huang Faliang et sa femme descendent dans leur plantation pour cueillir des feuilles de thé. Ces feuilles fraîchement cueillies constituent la matière première pour la production du produit fini, c’est-à-dire les feuilles de thé séchées à faire infuser. 
Les feuilles de thé fraîchement cueillies vont être vendues au marché de Songyang. 

À 9 heures, le couple arrive avec sa récolte matinale sur le marché des feuilles de thé de Shang’an qui est comparable à un « océan de transactions ». Entre les spécialistes de la vente de thé en streaming vidéo, les commerçants et les agents logistiques, ce sont près de 6 000 professionnels qui s’affairent sur ce marché. « Le commerce des thés de printemps mobilise plus de 20 000 personnes chaque jour », a commenté Qian Yuanfeng, directeur du Centre de développement du thé au Bureau de l’agriculture et des affaires rurales de Songyang. En comparaison avec les thés de printemps qui peuvent rapporter plus de 2 000 yuans chaque jour, le commerce des thés d’automne est bien moins populaire. Néanmoins, la cueillette de feuilles de thé d’automne permet à des foyers ruraux comme M. Huang et sa femme de gagner entre 400 et 500 yuans au quotidien. 

À l’heure actuelle, Songyang abrite 153 200 mu (1 mu = 1/15 ha) de champs de thé bio, générant une production de 18 600 tonnes d’une valeur de 2,05 milliards de yuans. Le rendement moyen par mu dépasse 15 000 yuans. Dans ce district, la filière du thé emploie 40 % de la population locale, compte pour 50 % des revenus des agriculteurs, et représente 60 % de la valeur agricole produite. Le district a rassemblé toutes ses forces pour faire fructifier l’économie du thé, ouvrant ainsi une nouvelle voie pour le développement de toute la chaîne industrielle connexe et l’accélération de la revitalisation rurale. 

Le commerce du thé « infuse » sur Internet 

Au « village qui fleure bon le thé » dans le bourg de Xinxing, des jeunes gens font la promotion du thé parfumé de Songyang devant les caméras au sein de la société Luyungfeng Chaye. Les commandes affluent de tout le pays sans interruption ; et dans l’entrepôt, les ouvriers s’activent à emballer et à étiqueter les lots de feuilles de thé, qui seront bientôt expédiés aux quatre coins du pays. D’après le directeur général Huang Jiefei, le chiffre des ventes de l’entreprise a atteint 180 millions de yuans l’année dernière. Même en cette saison d’automne, ils enregistrent environ 25 000 commandes quotidiennes. 

Le thé de Songyang est un produit d’indication géographique de Chine. Dans ce district, principal lieu de production de thé au Zhejiang, presque toutes les familles paysannes vivent de la culture de cet « or vert ». Le père de M. Huang dirige de chez lui une entreprise de thé. Il se qualifie d’ailleurs comme étant un « héritier du thé de la deuxième génération ». Après l’obtention de son diplôme universitaire spécialisé dans le marketing en 2009, il est retourné directement dans son bastion natal de Songyang pour y concrétiser son rêve entrepreneurial, prêt à tous les efforts du monde pour percer sur le marché du thé. Mais dans ces années-là, le marché du thé en Chine arrivait à saturation. Il n’y avait pas de bons canaux de vente et la concurrence s’avérait rude. M. Huang l’a d’ailleurs bien ressenti. 

Les commandes de thé sont prêtes à partir des entrepôts de la société Luyunfeng. (Photos : Yu Xiangjun) 

En 2017, en voyant un ami passer par une plateforme en ligne pour gérer une entreprise d’habillement, une idée de génie lui est venue à l’esprit : « C’est possible de faire pareil avec le thé ». À l’époque, l’application Pinduoduo était en plein essor. La plateforme s’appuie sur un modèle opérationnel dans lequel les utilisateurs peuvent bénéficier d’une remise s’ils invitent d’autres personnes à prendre part à l’achat. En misant sur ce modèle, M. Huang a vendu du thé de Songyang dans tout le pays. En 2018, le chiffre d’affaires de son entreprise a atteint 20 millions de yuans, un nouveau record. « La tendance auparavant déclinante sur le marché s’est inversée. » 

En 2019, la taille du marché du commerce électronique en Chine a dépassé les 6 000 milliards de yuans. Et à ce jour, l’entreprise de M. Huang tire 70 % de son chiffre d’affaires annuel des plateformes de commerce électronique. L’entreprise a négocié son virage avec brio. La même année, les mini-vidéos et émissions en live streaming sur Douyin (équivalent chinois de TikTok) ont rapidement conquis toute la Chine. M. Huang a, une fois de plus, pressenti avec clairvoyance l’immense marché que représentaient les petits téléphones portables. Il a donc donné à ses équipes l’instruction d’ouvrir des comptes sur Douyin et Kuaishou, en sachant qu’« il est possible de vendre pour 300 000 yuans de marchandises en quelques heures via ces vidéos en live streaming ». 

Afin de promouvoir le développement du commerce électronique du thé dans le district, M. Huang partage gratuitement avec son entourage ses connaissances tirées de son expérience personnelle dans la vente. Il suffit que quelqu’un vienne lui demander conseil ou observer ses méthodes pour apprendre, et il prendra le soin de lui expliquer. 

Aujourd’hui, à Songyang, la filière du thé s’est transformée : les données sont devenues les nouveaux intrants ; le live streaming est devenu un nouveau travail ; et les influenceurs sont devenus les nouveaux cultivateurs. À l’heure actuelle, le district compte plus de 1 500 boutiques de thé en ligne et plus de 400 boutiques de live shopping, ce qui a permis la création de plus de 8 000 emplois. En 2022, le district a cumulé 49,37 millions de commandes de thé en ligne, pour un volume des ventes équivalant à 4,25 milliards de yuans. 

L’expansion de l’industrie du thé 

Au sein de la société Zhentonghong Chaye, au village de Shiwuli dans le bourg de Gushi, le responsable Tian Yijie et son équipe tirent avantage du thé de qualité moindre et des sous-produits (tels que la poudre, les flocons et les tiges) obtenus au cours du processus de fabrication de thés haut de gamme. Ils exploitent aussi les ressources finissant comme déchets (notamment, les feuilles d’arbre à thé mises de côté) pour préparer de la poudre et des extraits de thé. « Autrefois, ces matières n’avaient aucune valeur, alors que maintenant, il est possible de les vendre entre 5 et 10 yuans le demi-kilo. En maximisant l’utilisation des ressources en thé, le rendement des champs de thé s’est amélioré. L’industrie du thé est ainsi devenue plus profitable, et les producteurs de thé ont pu être mieux payés. « Les revenus cumulés des producteurs de thé, à l’échelle du district, ont pu augmenter de plus de 30 millions de yuans chaque année », a décrit Tian Yijie. La valorisation de ces « déchets » a reçu un vif soutien de la part d’experts d’institutions de recherche scientifique, dont l’Académie chinoise des sciences agricoles de Chine. 

Ces dernières années, avec l’appui du système technologique national de l’industrie du thé, ainsi que de l’équipe d’innovation scientifique et technologique clé de l’industrie du thé du Zhejiang, la transformation du thé au district de Songyang a pu être étendue à divers domaines tels que la médecine et les soins de santé, l’alimentation et l’élevage. Comme l’a expliqué Qian Yuanfeng, pour l’heure, une vingtaine de dérivés du thé et de produits hautement transformés ont été développés (matcha, jambon fumé avec des feuilles de thé, boissons rafraîchissantes à base de thé, etc.), et les consommateurs étaient au rendez-vous. En outre, certaines entreprises se sont spécialisées dans la réutilisation des branches de thé pour produire des engrais organiques ou les transformer en carburant propre apte à alimenter les torréfacteurs de thé. L’objectif étant, là encore, de réduire efficacement les coûts aux diverses étapes de culture et production du thé. 

La « séquestration du CO2 » pour des revenus supérieurs 

En mars 2023, lors de la cérémonie d’ouverture de la Foire commerciale du thé de Chine, la coopérative du village Xiexikeng, au bourg de Xinxing, a conclu avec une entreprise de Beijing une transaction portant sur un puits de carbone de 500 tonnes, une grande première pour les champs de thé de Songyang. Dans le contexte de l’objectif national du « double carbone » (la Chine ayant l’ambition d’atteindre son pic de carbone avant 2030 et de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2060), Songyang explore le mécanisme de conversion des ressources naturelles en ressources économiques. Il a signé, avec le Centre de recherche sur l’économie rurale relevant du ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales de Chine, un accord-cadre de coopération prévoyant « l’aménagement de champs de thé à faible émission de CO2 à Songyang et la mise en place d’un mécanisme de puits de carbone. Cette initiative vise la création de plantations de thé séquestrant le CO2, afin de transformer les « ressources » en « actifs » et les « tickets carbone » en « billets de banque ». Ce sera un nouveau moyen pour les producteurs de thé d’augmenter leur salaire et de s’enrichir. 

À l’avenir, les autorités de Songyang coopéreront encore avec le Centre de recherche sur la séquestration du CO2 dans les champs de thé pour mener des recherches approfondies sur les actifs carbone, les crédits carbone et la répartition des revenus du carbone en lien avec les plantations de thé, en vue d’encourager une économie « bas carbone » respectueuse de l’environnement et d’amorcer la transition écologique de l’agriculture. La finalité consiste à créer un « modèle propre à Songyang » caractérisé par le développement hautement qualitatif de l’industrie du thé, dans le cadre de l’objectif national du « double carbone » et d’une prospérité commune pour les producteurs de thé. 

Numéro 16 avril-juin 2023
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