Société

Le rêve spatial de Gui Haichao
By GUO CHAOKAI et MA SHUAISHA* | Dialogue Chine-France | Updated: 2023-07-12 16:26:00

Porter une paire de lunettes myopes, c’est peut-être en apparence la différence la plus évidente entre Gui Haichao et les autres taïkonautes chinois. Le 29 mai, avec l’annonce de la liste de l’équipage des taïkonautes de Shenzhou-16, le grand public a enfin pu faire la connaissance de cet homme au visage hâlé et fin arborant un sourire confiant. Le lendemain, le 30 mai, la fusée porteuse Longue-Marche-2F transportant le vaisseau spatial habité Shenzhou-16 était lancée au centre de lancement de satellites de Jiuquan. En tant que premier expert en charge utile en Chine à effectuer une mission habitée, cet universitaire directeur de thèse de 36 ans réalisait enfin son rêve spatial.

Un adolescent qui rêvait d’espace 

Le 15 octobre 2003, le taïkonaute chinois Yang Liwei s’envolait à bord du vaisseau spatial Shenzhou-5. À cette époque, Gui Haichao était en deuxième dans un lycée du district de Shidian (Yunnan). C’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à vouloir aller dans l’espace, et une graine a été plantée dans le cœur de ce jeune homme originaire d’une petite ville à la frontière sud-ouest de la Chine. Mais à cette époque, il ne s’attendait pas à être associé à cette profession céleste près de deux décennies plus tard. 

Gui Haichao en formation sous-marine (Photo fournie par China Manned Space Engineering Office) 

Lors du concours d’entrée à l’université, il s’est retrouvé en tête du classement du district en sciences et a été admis à l’École d’astronautique de l’Université d’aéronautique et d’astronautique de Beijing (Beihang), avec une spécialisation en conception et ingénierie de l’aéronautique, En neuf ans, il a terminé son doctorat, puis est allé à l’étranger pour effectuer des recherches postdoctorales et a publié près de 20 articles académiques dans les meilleures revues internationales, avec des réalisations exceptionnelles. À 31 ans, il travaillait déjà comme directeur de thèse à l’université de Beihang. 

En 2018, la Chine a commencé à sélectionner le troisième groupe de taïkonautes. À la différence des précédents, ils ont été répartis en trois catégories, à savoir les pilotes, les ingénieurs en vol spatial et les experts en charge utile, les deux derniers étant sélectionnés dans les universités et instituts de recherche. 

En apprenant la nouvelle, Gui Haichao a immédiatement posé sa candidature pour être expert en charge utile. Après plusieurs tours de sélection, il s’est démarqué des nombreux candidats et a été choisi. La petite graine du « rêve spatial » avait enfin donné un bourgeon. Lorsqu’il a annoncé la nouvelle à ses amis, tout le monde l’a félicité, et ses étudiants ont même plaisanté. « Mon directeur est en voyage d’affaires. Il va dans l’espace ! » 

Un rêve se réalise  

Après avoir rejoint l’équipe, les héros de l’aérospatiale qu’on ne pouvait voir que dans les reportages sont devenus ses formateurs, ses coéquipiers, ses amis dans la vie et ses compagnons d’armes dans les missions. 

Pour les profanes, ce troisième groupe de taïkonautes a eu de la chance : ils ont rattrapé les missions intensives de la station spatiale chinoise, et chacun a pu donner complètement libre cours à ses talents. Mais cette chance ne signifie pas que les normes de formation ont été revues à la baisse. Gui Haichao a dû s’entraîner dur et avec intensité. Par rapport aux taïkonautes sélectionnés dans l’armée de l’air, ses bases en termes d’entraînement physique et de compétences aérospatiales étaient en effet légèrement plus faible. 

La condition physique était autrefois la faiblesse de Gui Haichao. Après avoir tâtonné, il a trouvé des solutions : s’entraîner pas à pas et travailler sur ses points faibles. Avec le temps, il a excellé dans les tests comme la course d’endurance, se tenir debout sur une jambe les yeux fermés, ou les exercices de fitness sur step. 

Dans la formation en centrifugeuse, le critère de sélection des ingénieurs en vol aérospatial et des experts en charge est la surcharge de 6G, qui est inférieure à la norme pour les pilotes. Cependant, après avoir rejoint l’équipe, toutes les normes d’entraînement ont dû atteindre une surcharge de 8G. Combler cet écart de 2G lui a également été difficile. Lors du premier entraînement, il a senti que sa poitrine et son abdomen étaient fortement comprimés, et chaque fois qu’il respirait, sa poitrine semblait se déchirer. Mécontent de sa performance, il a demandé conseil à des collègues expérimentés, puis à force de persévérance, il a non seulement surmonté l’écart de 2G, mais a également amélioré ses performances d’entraînement du deuxième niveau au premier niveau. 

Des élèves du primaire de Qingzhou (Shandong) approfondissent leurs connaissances en technologie aérospatiale au centre d’expérience d’apprentissage de l’intelligence artificielle de Qingzhou, le 23 mai 2023. 

Des expériences de privation de sommeil de 72 heures aux exercices de contrôle manuel du sous-système GNC, en passant par la formation à la survie sur le terrain... En plus de deux ans, Gui Haichao a suivi une formation et une évaluation rigoureuses dans 8 catégories et plus de 200 sujets. Son rêve étant sur le point de se réaliser, il a alors attendu avec impatience de se rendre un jour dans la station spatiale chinoise pour expérimenter la sensation de travailler et de vivre dans l’environnement en apesanteur. 

Un voyage dans l’inconnu  

En juin 2022, Gui Haichao a été sélectionné pour la mission Shenzhou-16. Cette mission est le premier vol habité dans la phase d’application et de développement de la station spatiale chinoise, et elle effectuera des expérimentations lourdes dans le domaine des sciences spatiales. 

En tant qu’expert en charge utile, il a entrepris de nombreux projets expérimentaux. Ces domaines expérimentaux ont une grande portée, avec de nombreux programmes, du matériel et des armoires sophistiqués, et des exigences élevées pour les opérations de maintenance et de réparation, ce qui nécessite que les opérations de Gui Haichao soient méticuleuses et précises. 

Pendant sa formation, il a dû acquérir une maîtrise des processus, connaître « le pourquoi du comment » ainsi que les modalités concernées. Après plus de deux ans d’entraînement intensif, il a gagné en confiance. 

« Êtes-vous prêt ? », lui ont demandé les journalistes avant qu’il ne s’envole dans l’espace. « À ce jour, je sens que je suis prêt en termes de compétences, de corps et d’esprit. J’ai la confiance nécessaire pour relever les défis de cette mission », a-t-il répondu. Après être devenu taïkonaute, il rêvait souvent qu’il était aux commandes d’un vaisseau spatial pour voyager entre des astéroïdes et des trous noirs... Désormais, dans son vaisseau de rêve, le voyage a enfin commencé.  

*GUO CHAOKAI et MA SHUAISHA sont journalistes de China News Service  

Numéro 16 avril-juin 2023
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