Société

La réintroduction des pandas géants : une fin, pas un moyen
By LI DESHENG* | Dialogue Chine-France | Updated: 2023-07-12 15:42:00

Un expert en protection des animaux sauvages dans la base de recherche de Daxiangling installe une caméra infrarouge. 

Considéré comme un « trésor national » en Chine, le panda géant est une espèce unique dans le pays et un animal sauvage protégé de première classe. Selon la quatrième enquête nationale sur les pandas géants (menée sur la période 2011-2014), la population de pandas géants sauvages dans le pays aurait atteint 1 864 individus. 

La réintroduction est capitale pour les espèces menacées et en voie de disparition. C’est en effet le meilleur moyen de reconstituer et rajeunir les populations d’animaux sauvages. Dès 2001, le Centre chinois de recherche et de conservation des pandas géants a entrepris la tâche de réintroduire les pandas géants dans leur milieu naturel. Onze pandas géants élevés en captivité en Chine ont déjà été relâchés dans la nature et vivent en petits groupes parmi les spécimens sauvages, notamment dans la réserve naturelle nationale de Longxi Hongkou. Et ces pandas géants remis dans leur habitat naturel se portent bien, selon les données de surveillance. 

Percées technologiques pour la réintroduction  

Fin juin 2022, à la base de Hetaoping du Centre chinois de recherche et de conservation des pandas géants dans le Sichuan, la femelle Bosi a donné naissance à des bébés pandas jumeaux. L’un d’eux a été intégré dans le dernier cycle du programme de préparation à l’état sauvage. Bosi était maman pour la quatrième fois. Dès 2018, Bosi a rejoint ce programme d’initiation à la vie sauvage en qualité de mère éduquant ses petits. Ainsi, Bosi fait preuve d’une excellente capacité de survie dans la nature et d’une grande expérience dans l’éducation des jeunes. 

Beaucoup passent la moitié de l’année dans la nature pour surveiller les pandas géants sauvages. 

Le Centre chinois de recherche et de conservation des pandas géants a mis au point une méthodologie clé pour la réintroduction des pandas géants en captivité, composée de trois étapes : la formation, la remise en liberté et le suivi. Au cours de ces 20 dernières années, au fil des percées et innovations technologiques, il a établi un procédé technique complet, qui va de la préparation des pandas captifs à la surveillance des animaux relâchés. Le but ultime de la réintroduction consiste à faire revenir les pandas géants à l’état sauvage et les rétablir dans la nature pour pérenniser la survie et la reproduction des populations sauvages. À cet effet, à compter de 2003, la Chine a aménagé la base d’adaptation à la vie sauvage de Hetaoping et celle du mont Tiantai relevant du Centre de recherche et de conservation des pandas géants, ainsi que le centre de Dujiangyan de la Base de recherche sur l’élevage des pandas géants de Chengdu. 

En 2010, le Centre de recherche et de conservation des pandas géants a proposé une nouvelle méthode d’initiation à la vie sauvage à la base de Hetaoping selon laquelle la mère sert d’exemple à sa progéniture. Cette initiative nouvelle est devenue une méthodologie clé donnant lieu à des progrès majeurs dans la réintroduction de l’espèce. Plus spécifiquement, il s’agit de constituer un petit « enclos d’entraînement » à la base et de laisser les mamans pandas ayant déjà vécu à l’état sauvage mettre bas dans un environnement naturel, de sorte que les pandas réintroduits grandissent avec leur mère et apprennent les techniques de survie en milieu sauvage. L’intervention et l’influence de l’homme sont minimisées dans tout le processus. Lorsqu’ils doivent s’approcher des jeunes pandas, les soigneurs revêtent des tenues de camouflage sentant l’odeur d’urine et d’excréments de pandas, afin de préserver la nature sauvage des petits ursidés. Puis, lorsque le bébé panda atteint l’âge d’un an, il est transféré avec sa mère dans un milieu naturel plus vaste et plus complexe pour la poursuite du programme. L’objectif est que ces animaux apprennent à survivre à l’état sauvage, même dans des conditions environnementales difficiles, pour qu’un jour, ils puissent être relâchés en pleine nature. 

Analyse de déjections de panda géant 

En août 2010, le panda géant mâle Tao Tao a vu le jour dans l’enclos d’adaptation à la sauvage de la base de Hetaoping. C’est le premier panda géant au monde qui est né sur ce genre de « terrain d’entraînement ». Très rapidement, il a appris des techniques de survie auprès de sa mère. En octobre 2012, on lui a implanté une puce d’identification et mis un collier GPS ainsi que d’autres équipements avant de le libérer et de le laisser vivre par lui-même dans la nature. Après sa réintroduction, Tao Tao a réussi à se faire une place parmi les populations sauvages. Il s’est aussi très bien adapté à l’habitat sauvage, au vu des enregistrements vidéo captés par caméra infrarouge. La réintroduction réussie de Tao Tao a marqué un jalon. Grâce à l’amélioration des fonctionnalités du collier GPS et du modèle d’élevage, le Centre de recherche et de conservation des pandas géants a surmonté une série d’enjeux techniques, notamment en ce qui concerne la surveillance in situ et la préparation des jeunes à leur retour à la vie sauvage. 

Nouveaux progrès dans le rajeunissement des populations sauvages  

D’après les résultats de la quatrième enquête nationale sur les pandas géants, le changement climatique et l’impact croissant des activités humaines entraînent le rétrécissement et la fragmentation des habitats des pandas géants, ce qui a poussé ces derniers à se disperser en 33 populations isolées les unes des autres. Parmi elles, 22 comptent moins de 30 individus et 18 groupes locaux en dénombrent moins de 10. L’absence de brassage génétique et la consanguinité engendrent progressivement une perte substantielle de diversité génétique chez les populations sauvages, débouchant sur un risque d’extinction. La capacité des pandas géants sauvages à se reproduire et à survivre est ainsi mise à rude épreuve. Pour l’heure, les conditions de subsistance des pandas géants à l’état sauvage ne sont pas encore optimistes. 

En octobre 2021, lors de la Conférence des parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique, le président chinois Xi Jinping a annoncé la création d’un premier lot de cinq parcs nationaux, dont le Parc national des pandas géants. Ce parc se donne pour tâches principales d’augmenter les chances de survie des pandas géants sauvages et d’atteindre un taux de reproduction stable chez les populations sauvages. 

Plusieurs approches existent pour rajeunir la population de pandas géants sauvages : premièrement, réintroduire progressivement les pandas en captivité pour compléter les stocks des populations sauvages, afin d’accroître la diversité génétique et d’éviter la consanguinité ; deuxièmement, restaurer les habitats qui séparent les petites et les grandes populations sauvages, pour que ces dernières communiquent naturellement les unes les autres ; troisièmement, déplacer les petits groupes ne pouvant objectivement pas se reproduire vers des populations plus nombreuses, en passant par l’intervention humaine. De toute évidence, à la lumière des expériences et conclusions actuelles, la réintroduction est la méthode la plus efficace, mais la restauration des habitats s’avère également indispensable. 

Photographie aérienne de la région de Paocaowan, dans la réserve naturelle de Daxiangling 

En outre, il existe plusieurs indicateurs à observer pour déterminer le succès de la remise en liberté des pandas : première étape, il faut voir si les pandas relâchés dans la nature réussissent, seuls, à trouver leur nourriture pour survivre au moins un an ; deuxième étape, il faut voir s’ils interagissent avec leurs congénères dans la zone où ils sont libérés et s’ils délimitent leur propre territoire tout en évitant ceux des autres pandas ; troisième étape, il faut voir s’ils parviennent à « trouver l’âme sœur » pour assurer leur descendance. 

Depuis cette initiative de préparer les pandas géants en captivité à leur retour dans la nature lancée en 2003, le Centre chinois de recherche et de conservation des pandas géants a réussi à « réensauvager » et à réintroduire 11 pandas géants élevés en captivité, dont Tao Tao. Neuf ont survécu, soit un taux de survie de 81,8 %. Parmi eux, sept pandas géants se sont intégrés dans les populations sauvages en extinction vivant dans les monts Xiaoxiangling ; les deux autres ont rejoint les populations sauvages des montagnes Minshan. Ce succès pose les bases de la régénération durable des petites populations sauvages de pandas géants et pourra servir de référence dans le cadre de la réintroduction d’autres grands mammifères. 

Actuellement, parmi les pandas géants réintroduits, 1 mâle et 4 femelles ont atteint l’âge de 5 ans, soit la maturité sexuelle. La réintroduction des pandas géants n’est pas un moyen, mais une fin en soi.  

*LI DESHENG est directeur adjoint et expert en chef du Centre chinois de recherche et de conservation des pandas géants

Numéro 16 avril-juin 2023
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