(PHOTO : XINHUA) 

« Je dois aider mes parents à tenir leur boutique coûte que coûte », a déclaré Fangfang, née dans les années 1990 à Guangzhou, sur la plateforme de vidéos courtes Douyin (version chinoise de TikTok). Ses parents tiennent une boutique de produits fortifiants depuis plus de 30 ans, mais malheureusement l’établissement a failli mettre la clé sous la porte à cause de la pandémie. Après avoir bien réfléchi, en 2020, Fangfang a décidé d’apprendre au public à faire des soupes et des plats cantonais sur les plateformes en ligne. Les vidéos qu’elle diffusait sont devenues populaires et de plus en plus de personnes apprenaient à faire des plats cantonais en achetant les produits de sa boutique. Les clients venaient des quatre coins du pays.

Fangfang est un des nombreux exemples parmi les femmes chinoises qui ont lancé leur carrière sur Internet. Ces dernières années, le gouvernement chinois a attaché une grande importance à l’entrepreneuriat féminin et a mis en œuvre une série de mesures pour créer un meilleur environnement pour les femmes.

Forte hausse du taux d’activité des femmes 

En 2021, 322 millions de femmes étaient sur le marché du travail en Chine, représentant 43,1 % de la population active. Avec le développement rapide de l’économie de l’Internet et de l’e-commerce, de plus en plus de Chinoises se lancent dans la vente en streaming. En 2022, 23,58 millions de femmes tenaient une boutique sur la plateforme d’e-commerce Taobao, soit plus du triple du nombre annoncé en 2016. Aujourd’hui, 55 % des entrepreneurs du web sont des femmes. En 2022, 570 millions de Chinoises travaillaient dans les secteurs de l’e-commerce et du streaming. Internet permet de créer plus d’emplois, notamment auprès des femmes des zones rurales. Un rapport de 2021 montre que les femmes représentaient respectivement 72 %, 62,3 % et 53 % du service clientèle, des entraîneurs de l’intelligence artificielle et des vendeurs en streaming sur Taobao.

Même dans des professions traditionnellement masculines, comme chauffeur ou livreur, une augmentation sensible du sexe féminin a pu être observée. En 2021, le fournisseur chinois de services de véhicule avec chauffeur Didi comptait 2,37 millions de chauffeuses enregistrées. À Beijing, le pourcentage des livreuses est passé de 9,06 % en 2020 à 16,21 % en 2021. Le nombre des livreuses dans le pays s’est élevé à 1,6 million en 2022.

Dans le domaine des sciences et technologies, une hausse du taux d’activité des femmes est également constatée. Selon un rapport publié par l’UNESCO en 2022, les femmes représentent 45,8 % des travailleurs dans ce domaine, soit près de 40 millions de Chinoises, un chiffre supérieur à la moyenne mondiale de 33 %. En 2020, 1,98 million de Chinoises travaillaient dans la R&D, soit une augmentation de 1,09 million par rapport à 2010. En 2021, 19,5 % des postes dans la technologie de l’Internet étaient occupés par les femmes, une hausse de 1,6 point de pourcentage en glissement annuel.

Le rôle omniprésent de la femme 

Les streameuses telles que Fangfang fleurissent aux quatre coins du pays et contribuent considérablement aux ventes des produits agricoles.

« Ces dernières années, j’ai vendu toutes les pommes de ma famille et de mes voisins grâce à l’e-commerce », a déclaré Wen Yangyang, née dans les années 1990. Issue d’une famille paysanne pauvre dans le district de Lixian (Gansu), elle a abandonné ses études à l’âge de 15 ans. En 2014, elle a participé à une formation sur la vente en ligne et a réussi à écouler plus de 600 caisses de pommes de sa famille sur Internet. Dans les années qui ont suivi, elle a aidé une vingtaine de jeunes paysans à se lancer dans l’e-commerce.

« C’est incroyable que la vente d’un produit puisse atteindre 12 millions de yuans en un an », s’exclame Huang Lianjiang, du district de Bobai (Guangxi). Depuis l’ouverture des achats transfrontaliers en ligne sur Alibaba en 2016, elle a réussi à vendre une grande variété de produits tressés en bambou dans plus de 60 pays, dont le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon et l’Australie entre autres. Des marques internationales comme Disney et Muji sont également ses clients. Actuellement, l’entreprise de Mme Huang compte 50 employés et coopère avec plus de 900 ménages de paysans. Internet lui a permis de créer des emplois pour les femmes et de promouvoir cet artisanat traditionnel chinois dans le monde entier.

Les femmes chinoises jouent également un rôle important dans l’exploration spatiale et les technologies de pointe. En juin 2013, la taïkonaute Wang Yaping à bord du vaisseau spatial Shenzhou-10, est devenue la première Chinoise à donner un cours depuis l’espace. Entre octobre 2021 et avril 2022, elle est devenue la première astronaute chinoise à effectuer des sorties dans l’espace et à séjourner dans la station spatiale chinoise lors de la mission Shenzhou-13. Hu Hailan, professeure et directrice exécutive du Centre des neurosciences de l’école de médecine de l’Université du Zhejiang est la plus jeune lauréate du Prix international L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science de 2022 pour ses découvertes majeures en neurosciences et en particulier ses travaux sur la dépression. Ces exemples encouragent davantage de Chinoises à se lancer dans les sciences et technologies.

Politiques de soutien 

Les changements importants dans les choix des professions des femmes, ainsi que leurs réalisations dans le domaine scientifique et technologique, sont dus à leurs efforts, mais aussi indissociables d’avec le soutien des politiques chinoises et l’aide de certaines organisations telles que la Fédération nationale des femmes de Chine (FNFC), en matière de financement, de formation et de promotion de l’égalité des sexes.

Le manque de capital et les difficultés de financement sont les principaux défis rencontrés par de nombreuses femmes au début de l’entrepreneuriat. La FNFC les aide donc en favorisant l’octroi de prêts spéciaux. Sous sa direction, la Fondation pour le développement des femmes de Chine, selon les comptes établis en 2022, avait mobilisé plus de 400 millions de yuans et soutenu plus de 463 000 femmes en Chine dans leur entrepreneuriat.

Le manque de connaissances et de compétences en matière d’entrepreneuriat et de marketing management est l’un des facteurs qui limitent la création d’entreprise des femmes. En 2021, la Fédération des Femmes de Hami (Xinjiang) a commencé à proposer des formations sur l’e-commerce pour les femmes de la région. Les enseignements portaient tant sur les connaissances de base que sur la pratique, telle que l’ouverture d’un magasin en ligne. Cela a diversifié les voies d’accès à l’emploi pour les femmes, et leur a permis d’augmenter leurs revenus.

Pour combattre le sexisme dans l’emploi et répondre aux difficultés des femmes à concilier travail et famille, en 2019, neuf ministères chinois, commissions gouvernementales et associations nationales ont conjointement publié un avis énumérant les actes et attitudes à bannir notamment dans les conditions d’embauche, lors des entretiens et des examens médicaux qui suivent. Un numéro de téléphone vert pour les dénonciations et les plaintes a d’ailleurs été mis à disposition. Ce sont des initiatives qui ont ainsi créé des conditions favorables à l’égalité d’emploi pour les femmes. La Loi sur la population et la planification familiale de la République populaire de Chine (2021) clarifie les incitations à prolonger le congé de maternité et soutient la mise en place d’un congé parental là où les conditions le permettent, ce qui contribue à atténuer les conflits travail-famille pour les femmes. La Loi sur la protection des droits et des intérêts des femmes (2022) stipule les responsabilités des employeurs et du gouvernement pour assurer l’égalité d’emploi des femmes, en spécifiant que les premiers encourent une sanction pécuniaire en cas d’infraction et seront amenés au redressement.

En ce qui concerne la promotion du développement des talents scientifiques et technologiques féminins, en 2021, treize institutions chinoises, dont le ministère des Sciences et des Technologies et la FNFC, ont publié des documents qui insistent sur l’égalité des sexes et des chances, pour créer un meilleur environnement dans lequel les femmes peuvent se développer et montrer leurs talents. D’ailleurs, Beijing et d’autres villes chinoises ont publié des plans d’action pour soutenir l’innovation du personnel scientifique et technologique féminin, libérant ainsi leur désir d’innover.

*YANG HUI est directrice adjointe et chercheuse associée au Bureau de recherche sur les politiques et la réglementation de l’Institut d’études des femmes de Chine.