Société

J'ai grandi dans l'Axe central de Beijing
By CAO JINGZHOU* | Dialogue Chine-France | Updated: 2022-08-08 14:59:00

J’ai grandi à Beijing et j’ai vécu dans le hutong (allée) de Majuan, à l’angle nord-est de la Cité interdite, et en face de la cour, il y avait le hutong de Caoduo. En sortant à l’ouest, vous voyez la tour d’angle nord-est et les douves, et de l’autre côté se trouve le parc Jingshan. Quand j’avais huit ou neuf ans, mes amis et moi allions sur la colline de Jingshan pour attraper des cigales et capturer des libellules, et en descendant, on cherchait des grillons ; le soir, nous regardions des films en plein air. En allant vers le sud par la rue Qihelou, puis tout droit vers l’ouest, il y a la rue Beichizi. Le hutong au sud s’appelle Naizifu, et celui du nord, Niuniufang. Il y en a un autre, Menggongfu. Plus tard, on a su que Majuan était à l’origine l’endroit où les chevaux de la cour impériale étaient élevés ; que Caoduo était celui où l’on conservait le fourrage ; que Naizifu était l’institution qui fournissait le lait maternel à l’empereur ; et que Niuniufang servait de résidence aux femmes de service. Quand j’étais enfant, je savais seulement que ma maison était proche de la Cité interdite, mais je ne savais pas qu’elle était au centre de la capitale et de l’Axe central de Beijing. 


Cao Jingzhou donne des explications à un groupe de guides touristiques chevronnés le long des sites historiques de la partie sud de l’Axe central de Beijing à Yongdingmen en 2019. (Photo fournie par Cao Jingzhou) 

Chaque fois que de la famille venait à Beijing, je faisais office de petit guide touristique. Au début des années 1960, très peu de gens visitaient Beijing. Je les emmenais d’abord au parc Jingshan, puis on sortait par l’entrée ouest pour accéder à l’entrée est de Beihai. On sortait par l’entrée sud de Beihai, et on entrait dans la Cité interdite par Shenwumen. On sortait par la porte du Méridien, et à droite, on pénétrait par l’entrée est au parc Zhongshan avec l’Autel de la terre et du grain. Sortant par le sud et en allant à gauche, on traversait le pont Jinshui à l’extérieur de Tian’anmen, et on prenait l’entrée sud du Palais culturel des travailleurs de Beijing (Temple des ancêtres impériaux). Quittant les lieux par l’entrée ouest, on longeait les douves au sud-est, et nous rentrions à la maison par Beichizi à l’extérieur de Donghuamen. Tout le monde était très satisfait de cet itinéraire. À cette époque, le majestueux ensemble palatial, l’Axe central nord-sud, et le tracé symétrique de type zuozuyoushe (désignant le Temple des ancêtres impériaux à l’est, et l’Autel de la terre et du grain à l’ouest) étaient déjà imprimés dans mon esprit. 

Au début des années 1980, j’ai terminé mes études de français à l’Université de Pékin et effectué un stage à l’agence China International Travel Service. Pour la première fois, j’ai reçu une délégation d’enseignants et d’étudiants de l’École des Mines. Ils ont visité la place Tian’anmen et je leur ai donné tous les détails sur la plus grande place centrale au monde, située sur l’Axe central de Beijing, et sur la Cité interdite, connue sous le nom de « Mer des Palais » au nord de la place, ce qui les a impressionnés. Rétrospectivement, mon intérêt pour l’Axe central est peut-être né à cette époque. 

En 2003, j’ai donné une conférence publique à la librairie de Wangfujing, exposant en détail l’axe allant de Yongdingmen aux Tours de la cloche et du tambour, composé de plusieurs bâtiments du patrimoine qui régissent la disposition architecturale de Beijing. À mon avis, cette ligne centrale est l’aboutissement de l’Axe central des anciennes capitales de toutes les dynasties de Chine depuis des milliers d’années. C’est la cristallisation de la sagesse de la nation chinoise. Elle contient les valeurs spirituelles, les modes de pensée et l’imagination uniques de la nation chinoise. Il reflète la vitalité et la créativité des Chinois. 

Après la confirmation de la candidature de l’Axe central de Beijing sur la Liste du patrimoine mondial, et avec tout le respect et l’amour que je nourris à son égard, j’ai créé avec des personnalités du monde culturel l’Institut de recherche sur la culture de l’Axe central de Beijing en mars 2021. Nos recherches concernent la culture ancienne de la capitale, la culture impériale et des offrandes, ainsi que le folklore autour de l’Axe central. Nos travaux sont disponibles sur Internet et dans les médias. Il y a eu un moment mémorable. Au petit matin du 6 janvier 2021, mes collègues et moi avons proposé une diffusion en ligne en direct de l’Axe central du nord au sud. Ce jour-là, le thermomètre affichait jusqu’à -19° et le trépied de l’appareil-photo était gelé et fissuré. L’enthousiasme du public nous a néanmoins encouragés. 

J’ai bientôt 70 ans, mais les souvenirs de mon enfance sont plus précis. L’Axe central de Beijing traverse ma jeunesse, reliant tous mes souvenirs de la capitale : le concept de type zuozuyoushe, le parc Jingshan et la Cité interdite m’ont permis d’élargir ma réflexion sur la littérature et l’histoire de Beijing ; avec le pont Haizi et le lac de Shichahai où mes camarades de classe et moi allions nous baigner au milieu de l’été et patiner au milieu de l’hiver, tous les rires de ma jeunesse me reviennent à l’esprit de temps en temps. Récemment, j’ai participé à des recherches avec des jeunes, et j’espère qu’ils connaîtront les mêmes joies et transmettront à leur tour l’histoire de l’Axe central aux générations futures. 

CAO JINGZHOU* est directeur du comité d’experts du Centre de recherche sur la culture de l’Axe central, à l’Institut de recherche sur le développement urbain de Beijing 

Numéro 12 avril-juin 2022
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