Société

Le nouveau visage de Qikou
By XIAO YAO* | La Chine au présent | Updated: 2022-08-01 14:49:00

Qikou, un bourg historique

Le fleuve Jaune est le fleuve mère de la Chine. Long de plus de 5 000 km, il prend sa source dans le plateau Qinghai -Tibet et se jette dans la mer de Bohai en sinuant à travers plusieurs provinces du nord de la Chine. Ses deux rives sont parsemées d’un grand nombre de points de passage. L’un de ceux-ci, appelé Qikou, très ancien et situé sur le cours moyen du fleuve, occupe une place importante.

Le bourg du même nom, relevant de la ville de Lüliang (Shanxi), était un célèbre centre de commerce de marchandises sous la dynastie des Qing (1644-1912) grâce au transport fluvial sur le fleuve Jaune. Reliant le Shaanxi, le Gansu et le Ningxia, et les villes de Beijing et Tianjin, Qikou était une plaque tournante entre l’ouest et l’est du pays. Le fleuve Jaune, le plateau de Lœss, une culture commerciale riche et un mode de vie unique ont fait de Qikou « le premier bourg sur le fleuve Jaune sinueux ».

Un ancien bourg de commerce 

Le fleuve Jaune qui coule en bas de Qikou se contracte soudainement, et à l’époque, son débit était trop fort et ses eaux étaient trop agitées pour que des bateaux puissent y circuler. Ceux-ci devaient donc décharger leurs marchandises, qui étaient ensuite transportées par voie terrestre, ce qui a fait prospérer Qikou. Bien que le bourg ne joue plus son rôle de transit de marchandises aujourd’hui, le fleuve Jaune et les maisons-grottes (habitations traditionnelles de la région) lui confèrent toujours un charme culturel et humain tout particulier.

Sous le règne de l’empereur Daoguang (1821-1850) de la dynastie des Qing, les rues du bourg étaient animées, et on comptait une bonne soixantaine de magasins sur place. En 1917 s’y ajoutaient des magasins tenus par des marchands venus d’autres villes telles que Baotou (Mongolie intérieure) et Pingyao (Shanxi) et leur nombre a atteint 200. Les marchandises, telles que la soie, le thé et les céramiques, partaient de Qikou pour le nord-ouest du pays, tandis que les céréales, l’huile, les fourrures et les herbes médicinales étaient transportées du nord-ouest par voie fluviale jusqu’ici et puis expédiées à dos de cheval et de chameau vers la Chine centrale et même vers des pays étrangers.

Qikou a pu préserver un ensemble de bâtiments de commerce, des quais et des temples, tout en conservant bien l’architecture résidentielle traditionnelle sur le plateau de Lœss, ainsi que les conditions de vie et de production de la population locale. À l’apogée du commerce des marchandises, l’aménagement de Qikou s’est avéré raisonnable, le bourg était agencé en trois grandes sections selon leur fonction : la première était dominée par les quais et les entrepôts, la deuxième, la zone commerciale, était dominée par les institutions bancaires et la troisième l’était par les services de transport.

Une longue histoire et une civilisation de longue date de Qikou sont profondément intégrées dans la vie quotidienne contemporaine de ses habitants. Par exemple, une auberge était l’ancienne demeure d’un magnat de piaohao (une des premières institutions bancaires chinoises) tandis qu’une épicerie d’aujourd’hui proposant des spécialités locales occupe la succursale d’une ancienne « multinationale ». Prenons un autre exemple : Sihetang, la plus grande boutique d’huile du bourg sous le règne de l’empereur Daoguang, qui vendait notamment l’huile de lin produite dans le Nord-Ouest, est actuellement un gîte. La cour de cette maison-grotte est spacieuse, des grottes ont été construites en briques de différentes tailles et il y a même des demi-grottes.

 

Attrayant pour les artistes 

Sur les bords du fleuve Jaune depuis des centaines d’années, Qikou attire, avec son environnement naturel et son histoire unique, de nombreux lettrés, photographes et artistes nationaux et étrangers.

À quelques kilomètres de là se trouve le village de Lijiashan, un quartier résidentiel pour les familles des marchands qui faisaient affaire dans le bourg. Après la mise en service du chemin de fer Beijing-

Baotou, le transport ferroviaire de marchandises s’est développé et la valeur du transport fluvial sur le fleuve Jaune a diminué. Le bourg a ainsi achevé sa mission en tant que grand centre de distribution, jusqu’en 1989, lorsque Wu Guanzhong, un grand peintre chinois, s’est rendu à Qikou et à Lijiashan. La vue des résidences adossées à la montagne lui a arraché ces exclamations : « Les maisons ici ont l’air d’être sorties directement de la montagne ! » et « C’est comme si c’était le palais du Potala sur le plateau de Lœss. » Relativement fermé, le site ressemble à un jardin isolé. On peut admirer ses bâtiments, notamment des maisons-grottes et des cours carrées, et ses ruelles qui ondulent en suivant la forme de la montagne. Depuis lors, des amateurs de croquis et de photographie s’y rendent constamment, c’est ainsi que le bourg est progressivement revenu sur la scène publique.

Le réalisateur chinois Jia Zhangke a également noué de fortes affinités avec Qikou. La première de son documentaire Dong s’est tenue dans le bourg en 2006, et ce lieu a servi de décor de tournage pour son film Au-delà des montagnes. En 2019, une activité de la première édition de la Saison littéraire de Lüliang, initiée par M. Jia, s’est déroulée dans le bourg. De nombreux écrivains, rédacteurs et passionnés de littérature ont récité des poèmes sur le bord du fleuve Jaune, cherchant à envelopper le grand public d’une atmosphère littéraire.

Le bourg sur les bords du fleuve Jaune  

De nouveaux moteurs du tourisme 

En 2005, la Déclaration de Qikou sur la protection et le développement des anciens bourgs et villages en Chine y a été publiée au moment où la protection et le développement en la matière ne faisaient que commencer. Ce document a suscité l’intérêt du public et joué un rôle positif dans la protection de la culture rurale chinoise. Au cours de la décennie écoulée, la valeur culturelle des anciens bourgs et villages a été largement reconnue, et un grand nombre d’entre eux ont été inclus dans les projets de protection du gouvernement. Toutefois, face aux défis posés par la nouvelle urbanisation (qui est centrée sur l’être humain), la revitalisation rurale, le tourisme culturel et l’ère de l’information, la population locale s’est rendu compte que davantage d’efforts étaient nécessaires pour protéger le bourg de manière efficace.

Aujourd’hui, de nombreux bâtiments de Qikou sont dotés de signalétiques touristiques en chinois et en anglais, permettant aux visiteurs de mieux comprendre l’histoire qui se cache derrière. Des introductions bilingues confirment également que Qikou se veut plus ouvert. Chaque année, durant le premier et le septième mois du calendrier lunaire, le bourg organise une foire invitant des touristes du monde entier à découvrir les saveurs uniques de la culture du fleuve Jaune.

Ces dernières années, la ville de Lüliang continue d’explorer et d’intégrer ses ressources culturelles touristiques concernant les anciens villages en favorisant la promotion des projets connexes. Le bourg de Qikou, un maillon important du tourisme de Lüliang, a mené des projets de protection et de restauration de son patrimoine culturel et de ses monuments historiques de manière planifiée et structurée. En plus de proposer des visites libres et gratuites, Qikou a créé un spectacle en plein air. Basé sur des éléments humains et des ressources naturelles, il invite les visiteurs, qui s’assoient sur une plateforme à étages rotative à 360°, à plonger dans un charme aussi bien passé et qu’actuel de Qikou.

*XIAO YAO est chroniqueur de voyage. 

Numéro 12 avril-juin 2022
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