Société

Une virtuose chinoise du guzheng fait vibrer la corde sensible des Français
By LIU TING | Dialogue Chine-France | Updated: 2022-05-07 23:07:00

Peng Jingxuan joue du guzheng dans la rue à Bordeaux. 

Au bord de la Garonne à Bordeaux, le son de la musique s’élevant de la place de la Comédie invite les piétons à s’arrêter un instant. Vêtue d’un vêtement traditionnel chinois hanfu et assise devant une cithare chinoise guzheng, une jeune Chinoise voilée caresse avec douceur mais rapidité cet instrument de musique traditionnel chinois, enveloppant de beauté orientale les rues de cette ville européenne ancienne. De plus en plus de personnes se rassemblent autour d’elle, applaudissant après chaque morceau et dansant même au rythme de la musique.

Cette jeune femme s’appelle Peng Jingxuan, plus connue sous le nom de Peng Peng Peng Peng Peng sur Internet. Elle est suivie sur YouTube par près de 600 000 personnes et les vidéos courtes de ses concerts de rue cumulent plus de cent millions de vues. La jeune artiste partage également ses vidéos sur Douyin, Bilibili et Weibo, y attirant respectivement plus de neuf millions, plus de deux millions et près d’un million d’abonnés.

Peng Jingxuan, en concert au pied de la tour Eiffel à Paris 

Jouer du guzheng dans la rue 

Née en 1995 à Wuhan, dans la province du Hubei, Peng Jingxuan a commencé à apprendre le guzheng à l’âge de 7 ans. En 2013, elle a été admise au Conservatoire de musique de Wuhan pour faire des études en musique instrumentale chinoise. Diplôme en poche en 2017, la jeune femme a décidé de poursuivre ses études en France, l’épicentre mondial de l’art.

Après être arrivée en France, elle a souvent vu des artistes jouer toutes sortes d’instruments dans la rue, mais elle regrettait l’absence de l’instrument chinois. L’idée lui est donc venue de faire de même, avec un guzheng.

L’année suivante, pendant les vacances d’été, elle est retournée en Chine et a réussi à emmener son guzheng en France. En juillet 2018, elle a donné sa première représentation sur la place de la Comédie, devant le Grand-Théâtre de Bordeaux. « Même si j’avais participé à beaucoup de représentations et concours, j’étais un peu nerveuse, car jouer du guzheng dans la rue était très différent de mes expériences précédentes », confie Peng Jingxuan.

La première session n’a duré que 40 minutes, avec une dizaine de morceaux, mais a attiré de nombreux passants. « Les gens formaient un grand cercle autour de moi. Lorsque je me suis mise à jouer, je ne voyais que l’espace près de l’instrument. C’est quand j’ai eu terminé le premier morceau et levé ma tête que je me suis aperçue qu’il y avait autant de personnes qui m’écoutaient. Et ça m’a donné plus de confiance », se réjouit-elle.

Depuis lors, elle se produit environ toutes les deux semaines dans la rue. Elle partage également les vidéos de ses concerts avec les internautes. Pendant les vacances, elle voyage avec son guzheng pour jouer dans d’autres villes de France ou d’autres pays d’Europe.

Peng Jingxuan explique à une enfant comment jouer du guzheng. 

Lors de chacun de ses concerts, des personnes lui demandaient le pays d’origine du guzheng, c'est pourquoi, sur le conseil d’internautes, Peng Jingxuan a essayé de porter le hanfu, ce qui rend son identité plus évidente et ajoute de la poésie à la scène. Elle installe également un « coin chinois » où elle écrit en gros sur une pancarte « cithare chinoise guzheng » en chinois et en français. Le public y trouve aussi des brochures présentant cet instrument, des peintures et des livres chinois, grâce auxquels il en apprendra davantage sur le guzheng et la culture traditionnelle chinoise.

Selon Peng Jingxuan, l’atmosphère d’une représentation dans la rue est beaucoup plus détendue que celle d’un « vrai » concert. De plus, elle peut échanger en temps réel avec le public. « Une fois, quand j’ai eu fini de jouer le morceau Pipayu au bord de la mer à Arcachon, une vieille dame est venue me dire : ‘‘Je peux imaginer des montagnes et des rivières de Chine à travers votre interprétation, et je voudrais aller en Chine pour voir ces paysages quand j’en aurai l’occasion’’ », se souvient-elle. Elle est très émue que des personnes viennent à Bordeaux pour la rencontrer après avoir vu ses vidéos sur YouTube. À la fin de chaque représentation, des spectateurs viennent la remercier, lui poser des questions et lui demander si elle peut leur apprendre le guzheng. Aujourd’hui, la jeune femme a quelques élèves chinois et français, ce qui la remplit d’une grande fierté.


Peng Jingxuan, avec un orchestre local durant un concert en Suisse, en mars 2022 (Photos fournies par Peng Jingxuan) 

Promouvoir les échanges culturels par l’innovation 

Peng Jingxuan joue principalement des morceaux traditionnels chinois, qui sont pentatoniques (constitués de cinq tons). Elle interprète également ses propres versions de chansons chinoises modernes, par exemple Shanghai Bund et Descendants du dragon, ainsi que de la musique de films chinois, comme Le Secret des poignards volants, et de séries télévisées, comme The Untamed.

« J’écoute tout d’abord la chanson originale et l’adapte au guzheng selon son rythme et son harmonie. Quelquefois, j’ajoute des éléments de la musique folklorique chinoise tels que la flûte de bambou et le pipa (un instrument de musique traditionnel chinois de la famille du luth) à l’accompagnement », explique-t-elle. La jeune artiste reprend également de la musique étrangère. « Lors de mon interprétation de la chanson Hey Jude, j’accompagne la mélodie de kuaiban (une sorte de castagnettes en bambou) et de tambour chinois, ce qui donne aux spectateurs une impression que c’est une chanson familière mais pas tout à fait la même. »

En février 2022, à l’occasion de la fête du Printemps pour l’année du Tigre, Peng Jingxuan a joué en ligne avec le pianiste français Richard Clayderman l’air chinois La rivière Liuyang. Cette rencontre entre le piano et le guzheng a suscité de vives discussions parmi les internautes chinois sur les réseaux sociaux : « La voix du guzheng accompagnée par le piano ressemble à la confluence de deux rivières et c’est fantastique. C’est comme une symphonie. »

Ces deux dernières années, Peng Jingxuan a reçu de nombreuses invitations à jouer à l’étranger avec des orchestres locaux, surtout au Japon et aux États-Unis. Mais la coopération n’a pas pu aboutir à cause de la pandémie. En mars 2022, elle est allée en Suisse pour donner une représentation avec un orchestre local. Elle estime que les échanges musicaux entre différents pays sont indispensables. La jeune artiste espère que les orchestres occidentaux pourront coopérer davantage avec les artistes folkloriques chinois pour monter sur scène en Chine mais aussi dans d’autres pays.

Peng Jingxuan suit actuellement des études de harpe au Conservatoire de Bordeaux. Elle trouve que la harpe est comme le guzheng mais sous forme verticale, et la façon de jouer ces deux instruments est très semblable. Elle entend poursuivre son doctorat en France tout en y donnant plus de représentations de guzheng afin de faire connaître cet instrument et la musique traditionnelle chinoise auprès d’un plus large public.

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