Dans le domaine en constante évolution de l’intelligence artificielle (IA), la Chine est devenue un acteur redoutable qui permettra aux pays développés tout comme aux pays en développement d’avancer au même rythme sur le plan des technologies.
Des techniciens testent des robots de combat à la Qianhai Shenzhen-Hong Kong Youth Dream Factory à Shenzhen (Guangdong), le 9 janvier 2025.
Avec l’avènement de DeepSeek, qui fait œuvre pionnière en Chine en matière d’IA, le pays s’impose comme une puissance mondiale dans ce domaine, conformément à la vision du Président chinois Xi Jinping de rester à la pointe des forces productives de nouvelle qualité, notamment avec l’initiative « IA+ », qui est devenue réalité lors des « deux sessions » en mars dernier.
Ce changement de paradigme redéfinit le leadership technologique et également des opportunités sans précédent aux économies en développement.
En 2023, le secteur chinois de l’IA atteignait 500 milliards de yuans. Le marché des grands modèles d’IA s’élevait à 2,1 milliards de dollars, soit une hausse de 110 % par rapport à l’année précédente. Selon les données du Centre chinois pour le développement de l’industrie de l’information, le secteur devrait valoir plus de 1 700 milliards de yuans en 2035.
Le marché mondial de l’IA, évalué à 196,63 milliards de dollars en 2023, devrait croître à un rythme annuel de 36,6 % entre 2024 et 2030, porté par les innovations technologiques dans des secteurs comme la santé, l’automobile et l’industrie manufacturière. De nombreux pays en développement exploitent l’IA pour stimuler la croissance économique, réduire la pauvreté et améliorer le niveau de vie.
Les progrès de l’IA nécessitent une collaboration mondiale. Compte tenu de la nature multidisciplinaire de la recherche, aucune nation ne peut réaliser seule toutes les avancées. Le partage transfrontalier des données enrichit les bases de données pour entraîner les modèles et améliore leurs performances. De même, la coopération internationale permet aux chercheurs de tirer parti de leurs différents atouts en matière d’algorithmes, de capacités de calcul et d’applications, accélérant ainsi l’innovation. Par ailleurs, répondre aux préoccupations en matière de confidentialité, de sécurité et d’éthique nécessite de la concertation. En favorisant le dialogue et la coopération, la communauté internationale peut exploiter pleinement le potentiel de l’IA pour le bénéfice de tous.
En rendant l’IA plus abordable et accessible, la Chine permet à des pays comme le Pakistan et le Bangladesh notamment d’intégrer des solutions basées sur l’IA dans des secteurs clés comme l’agriculture, la santé et l’éducation. Grâce à des initiatives stratégiques, notamment l’initiative « la Ceinture et la Route », la Chine favorise la collaboration au niveau mondial qui dote la main-d’œuvre locale des compétences essentielles en IA, créant ainsi des écosystèmes technologiques durables dans des régions traditionnellement en retard en matière d’innovation numérique.
Un radiologue de l’Hôpital central de Huzhou (Zhejiang) confirme un diagnostic en se faisant assister par l’IA, le 21 février 2024.
L’un des principaux avantages de la Chine pour les pays en développement est la réduction des coûts de développement de l’IA. Contrairement aux modèles d’IA en Occident qui nécessitent d’importantes ressources de calcul et des bases de données propriétaires, les entreprises chinoises privilégient des solutions rentables maximisant l’efficacité. Son aspect abordable permet aux pays à faible revenu d’adopter des applications basées sur l’IA sans grever leurs ressources financières. Dans l’agriculture, par exemple, les modèles d’IA chinois sont utilisés pour optimiser les techniques d’irrigation, prévoir les conditions météorologiques et améliorer les rendements agricoles, répondant ainsi directement aux défis de la sécurité alimentaire dans les régions qui souffrent de pénurie en eau.
Si les bénéfices de l’IA se sont largement concentrés dans les économies développées, l’approche stratégique de la Chine en matière de développement et de gouvernance de l’IA s’avère révolutionnaire pour les pays en développement. Grâce à son dernier Plan d’action pour le renforcement des capacités dans l’intelligence artificielle et à son engagement en faveur de la coopération Sud-Sud, la Chine se positionne comme un leader pour aider les pays du Sud à exploiter le potentiel de l’IA en matière de croissance économique, de modernisation industrielle et de développement durable.
L’un des piliers fondamentaux de la stratégie chinoise en matière d’IA réside dans l’importance accordée au développement des infrastructures numériques. Les pays en développement sont depuis longtemps confrontés à des infrastructures technologiques inadéquates, ce qui les empêche de participer à la révolution de l’IA. L’effort de la Chine en faveur de la connectivité entre IA et infrastructures numériques vise à combler ce fossé en soutenant les technologies liées à l’IA, les centres de données, les installations d’infonuagique et les réseaux Internet à haut débit. En améliorant l’interopérabilité et l’accessibilité de l’IA, la Chine veille à ce que les économies émergentes ne soient pas laissées pour compte dans un paysage numérique en évolution rapide.
Au-delà des infrastructures, les initiatives chinoises en matière d’IA visent à autonomiser des secteurs clés tels que l’agriculture, l’industrie manufacturière, la santé et l’éducation. Par exemple, les solutions d’IA dans l’agriculture ciblée peuvent aider les pays en développement à optimiser leurs rendements, à gérer efficacement les ressources et à atténuer les effets du changement climatique. Dans le domaine de la santé, les applications d’IA favorisent le diagnostic, la télémédecine et les traitements personnalisés, améliorant ainsi considérablement les services médicaux dans les régions où les infrastructures de santé sont limitées. Grâce à des investissements ciblés et au partage de technologies, la Chine permet aux pays en développement de surmonter les obstacles industriels traditionnels et d’accélérer leur croissance économique.
Un autre aspect crucial de la stratégie chinoise en matière d’IA est le développement des talents. Consciente de l’importance de la maîtrise de l’IA, la Chine s’est engagée à former des professionnels et à développer la formation dans les pays en développement. Des initiatives telles que des ateliers sur l’IA, des laboratoires de recherche communs et des programmes de partage des connaissances sont mises en œuvre pour développer l’expertise locale en IA. Cela permet de former une main-d’œuvre qualifiée et de garantir que le développement de l’IA dans ces pays soit piloté localement et adapté à leurs besoins socioéconomiques spécifiques. En renforçant les capacités en IA, la Chine favorise l’émergence d’une nouvelle génération de professionnels capables de stimuler l’innovation et la transformation numérique dans leur pays.
La gouvernance de l’IA est un autre domaine où l’approche chinoise s’avère bénéfique pour les pays en développement. Grâce à des mécanismes de coopération internationale aux Nations Unies et avec la Route de la soie numérique, la Chine plaide en faveur de politiques d’IA qui reflètent les intérêts des pays en développement. L’accent mis sur la souveraineté nationale dans la gouvernance de l’IA garantit aux économies émergentes le contrôle de leurs données et de leurs ressources technologiques. De plus, les appels de la Chine à un développement éthique de l’IA, prenant en compte les biais algorithmiques, la confidentialité des données et les risques de sécurité, s’inscrit dans la nécessité d’une mise en œuvre inclusive et équitable de l’IA dans des contextes culturels et économiques différents.
L’essor de l’IA en Chine contribue également à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) dans les pays du Sud. Les solutions basées sur l’IA sont utilisées pour relever des défis mondiaux urgents tels que le changement climatique, la préservation de la biodiversité et la gestion des ressources. Par exemple, les systèmes de surveillance basés sur l’IA peuvent aider à suivre la déforestation, à optimiser l’utilisation des ressources en eau et à réduire l’empreinte carbone. En intégrant l’IA à ses stratégies de développement vert, la Chine permet aux pays en développement de poursuivre leur croissance économique sans compromettre la durabilité environnementale.
Les avantages tangibles pour les pays en développement sont indéniables. Contrairement aux initiatives d’IA de l’Occident, qui s’accompagnent souvent de cadres réglementaires stricts ou d’obstacles coûteux, l’engagement de la Chine en la matière repose sur l’inclusion et la croissance mutuelle. L’accent mis sur la coopération Sud-Sud crée un paysage mondial de l’IA plus équilibré, où les pays en développement ne sont pas de simples consommateurs de technologies d’IA, mais des participants actifs à l’innovation en la matière.
L’essor de l’IA en Chine représente une opportunité majeure pour les pays en développement afin d’exploiter son potentiel au service de la prospérité économique, du progrès technologique et du développement durable. En privilégiant les infrastructures numériques, l’autonomisation des industries, le développement des talents, la gouvernance éthique et la durabilité environnementale, la Chine contribue à combler le fossé numérique et à créer un avenir plus équitable pour tous. Alors que l’IA continue de façonner le XXIe siècle, le rôle proactif de la Chine dans le développement et le renforcement des capacités en matière d’IA permet aux pays en développement de participer pleinement à la révolution technologique en cours et d’en bénéficier.
La révolution de l’IA en Chine, portée par des innovations comme DeepSeek, transforme le paysage technologique mondial. S’inscrivant dans la vision plus large du « Made in China 2025 », cette transformation souligne l’engagement de la Chine à être leader dans l’IA, la fabrication intelligente et les secteurs de haute technologie. Pour les économies en développement, les avancées chinoises sont porteuses d’espoir, offrant des outils pour relever des défis présents de longue date et libérer leur potentiel.
*YASIR HABIB KHAN est président de l’Institut de relations internationales et de recherche sur les médias (IIRMR)