Petit avec un sourire plein de dents, cette peluche n’a rien d’ordinaire. Pour certains, cette créature aux grands yeux et au sourire diabolique semble franchement inquiétante. Pour d’autres, elle est tout simplement irrésistible.
Voici Labubu, le petit fauteur de troubles excentrique du détaillant chinois de figurines de collection Pop Mart. Créé par l’illustrateur hongkongais Kasing Lung, Labubu fait partie de la série « THE MONSTERS », lancée pour la première fois par Pop Mart en 2019.
Les sept peluches Labubu de la série « Big Into Energy » représentent la loyauté, le bonheur, la chance, l’espoir, la sérénité, l’amour et le secret, à Paris, le 12 juin 2025.
Aujourd’hui, Labubu a dépassé son statut de simple objet de collection en Asie pour conquérir un public fidèle à l’échelle mondiale. Non seulement elle fait sensation sur TikTok, mais elle provoque aussi des files d’attente nocturnes, de New York à Paris, où les fans se ruent sur les boîtes surprises en édition limitée.
Des épopées de science-fiction aux jeux mobiles en passant par les animations dessinées à la main, les droits de propriété intellectuelle chinois (DPI) montent sur la scène internationale, attirant une pléthore de fans. Ces œuvres créatives s’imposent dans la culture grand public mondiale grâce à une narration immersive, une esthétique audacieuse et une voix jeune et dynamique.
Une icône internationale
Labubu n’est pas seulement mignonne. Le cabinet financier américain JPMorgan l’a récemment désignée (Labubu est une fille !) de produits culturel créatif émergent, et a positionné Pop Mart, dont la présence s’étend à plus de 90 pays et régions grâce aux plateformes d’e-commerce, comme un acteur de premier plan sur le marché chinois en plein essor des produits dérivés sous licence.
Un gamer déguisé en Sunday pose devant le jeu Honkai: Star Rail lors de l’événement éphémère « Le monde a besoin de Sunday » au Dream Center West Bund de Shanghai, le 4 décembre 2024.
La frénésie mondiale autour de Labubu a été déclenchée en avril dernier, lorsque Lalisa Manobal, plus connue sous le nom de Lisa, membre du groupe de K-pop Blackpink, a publié une photo avec la poupée sur Instagram. Cela a suffi à créer une obsession planétaire, notamment chez ses fans de la génération Z, qui ont immédiatement adopté cette mascotte excentrique. Depuis, Labubu est devenue un accessoire très convoité, aperçue accrochée aux sacs à main de célébrités américaines et européennes telles que Rihanna ou Dua Lipa, renforçant ainsi son statut de tendance incontournable.
Un autre élément clé du succès de Labubu réside dans son emballage en boîte surprise, vendu 21,99 dollars l’unité. Ce principe de mystère rend l’expérience de collection encore plus excitante, incitant les fans à acheter encore et encore pour compléter leurs séries.
Cette année marque le 10e anniversaire de Labubu. Ce produit créatif venu de Chine a désormais atteint une maturité suffisante pour toucher un public mondial, notamment en proposant des éditions exclusives intégrant des éléments culturels locaux et des tendances contemporaines.
En France, des magnets Labubu inspirés du Louvre, représentant des relectures ludiques des œuvres emblématiques du musée, ne sont disponibles qu’à la boutique Pop Mart située près du musée, où les touristes les achètent comme souvenirs.
À Singapour, une version de Labubu inspirée du Merlion, une créature mythique mi-lion mi-sirène, emblème national du pays, est devenue un souvenir incontournable, illustrant comment la marque s’adapte avec créativité aux différentes cultures tout en conservant son charme unique.
Dans la culture des collectionneurs actuelle, Labubu est devenue une véritable monnaie sociale, symbolisant le goût, l’identité émotionnelle et parfois même le statut social. Les fans personnalisent, habillent et photographient leurs peluches Labubu, tandis que TikTok et Instagram regorgent de vidéos de déballage, de montages mode et de petites mises en scène narratives. Certains passionnés revendent leurs figurines à deux ou trois fois le prix d’origine, transformant les boîtes surprises en opportunités d’investissement.
« C’est un mélange entre forces du marché et enthousiasme populaire », explique Chen Rui, professeur associé à l’École de journalisme de l’Université de la communication de Chine, précisant que le succès de Labubu s’inscrit dans une évolution plus large du design des DPI chinois et de la culture des fans.
Une star de cinéma éblouissante
Labubu est devenue un symbole de la montée en puissance des produits créatifs chinois protégés par des DPI, mais elle n’est pas la seule à briller sur la scène mondiale.
En première ligne de cette vague culturelle se trouve Ne Zha 2 (Ne Zha : L’enfant démon conquiert les mers), la suite tant attendue du film d’animation à succès Ne Zha sorti en 2019. Depuis sa sortie en Chine en janvier, cette nouvelle production a envahi les salles de cinéma du monde entier et marqué l’histoire du box-office. Inspiré de la mythologie chinoise ancienne, le film a été réinventé avec une animation spectaculaire et une grande profondeur émotionnelle. Il est devenu le film d’animation le plus rentable de l’histoire mondiale, avec plus de 2 milliards de dollars de recettes au box-office international.
Ce qui explique ce succès phénoménal ne se limite pas à un spectacle visuel époustouflant, mais repose aussi sur une profondeur culturelle et émotionnelle. Réalisé pendant plus de cinq ans par une équipe de 4 000 animateurs issus de 138 studios, le film compte près de 12 000 effets visuels et spéciaux. Mais au-delà de cette prouesse technique, c’est la narration pleine d’âme, ancrée dans des valeurs traditionnelles telles que les liens familiaux, le mentorat et le désir d’égalité, qui a su toucher les spectateurs du monde entier.
Des éléments du patrimoine chinois sont habilement intégrés à la conception visuelle et sonore du film, avec des palais sous-marins inspirés de l’architecture classique chinoise à une bande-son mêlant instruments ethniques et traditions folkloriques inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO, comme les chants Dong et la voix gutturale mongole. Ces touches offrent aux spectateurs internationaux une immersion totale dans l’univers esthétique riche de la Chine.
Le monde du jeu vidéo
Alors que Ne Zha 2 illustre la puissance de la mythologie chinoise sur grand écran, un autre exemple marquant de résonance culturelle vient du développeur de jeux basé à Shanghai, miHoYo. Son dernier titre, Honkai: Star Rail, disponible sur PC et plateformes mobiles, a reçu un accueil très positif.
Le 23 avril 2023, jour du pré-téléchargement, ce jeu d’aventure de science-fiction a dominé les classements des applications gratuites dans 113 pays et régions sur l’App Store d’Apple. En moins de deux mois, il a dépassé le succès mondial précédent de miHoYo, Genshin Impact, devenant ainsi le jeu chinois le plus rentable à l’étranger.
« Les deux jeux sont très aboutis et riches en contenu, mais Star Rail paraît plus léger et relaxant », explique Zhang Peng, joueur des deux titres à Shanghai. « Son système de combat automatique le rend particulièrement accessible aux débutants. Je le recommande à tous ceux qui recherchent une narration solide, de la qualité et une créativité culturelle. »
Situé dans un univers de « fantaisie spatiale », le jeu Honkai: Star Rail propose une narration complexe qui mêle motifs culturels chinois et thèmes futuristes de science-fiction. Bien que ses décors intègrent des éléments de nombreuses cultures à travers le monde, allant de l’architecture à la vie quotidienne, l’histoire reste fondamentalement ancrée dans la philosophie chinoise. Des concepts comme « donner la priorité au peuple » et « sacrifier ses intérêts personnels pour le bien commun » reflètent les philosophies traditionnelles chinoises qui façonnent l’imaginaire culturel de la nation depuis des siècles.
Selon An Chengnan, producteur principal du jeu, l’objectif de l’équipe n’a jamais été de recréer littéralement des civilisations historiques, mais plutôt de construire un univers riche et imaginatif, nourri par différents archétypes culturels.
Côté narration, le jeu cherche à offrir des histoires authentiques et émotionnellement touchantes, tout en intégrant de nombreuses références à la pop culture chinoise. Les joueurs chinois reconnaissent souvent ces clins d’œil avec un sourire. Lors de la localisation du jeu dans d’autres pays et régions, les blagues et références culturelles sont adaptées, remplaçant les « mêmes » chinois par des équivalents locaux, afin que les joueurs étrangers ressentent la même chaleur et connexion. « Notre but est d’apporter de la joie à travers la narration », explique M. An.
Nombreuses sont les exportations culturelles chinoises les plus réussies, qu’il s’agisse de jeux, de séries dramatiques courtes en ligne ou de produits grand public tendance, qui reposent sur des stratégies solides orientées vers le marché. « Au cœur du développement des produits culturels protégés par des DPI, nous avons deux objectifs principaux : créer des contenus qui parlent aux jeunes et aider le monde à voir la Chine authentique, à travers sa technologie et sa culture », résume Yuan Pengfei, cofondateur de la société d’animation China Year.
*LI QING est journaliste à Beijing Review