Culture

Jules Verne et la science-fiction en Chine
By FEI DAO* | dialogue Chine-France | Updated: 2023-02-27 10:55:00

Affiche de La Terre errante II 

Sorti pendant les vacances de la fête du Printemps 2023, le film de science-fiction La Terre errante II a fait une belle performance au box-office, déclenchant de nouveau la fièvre de la science-fiction en Chine.

Ces dernières années, la science-fiction fait un carton dans le pays. Après sa publication en 2006, Le problème à Trois Corps de Liu Cixin est devenu l’un des romans de science-fiction les plus vendus en Chine. En plus, il a remporté le prix Hugo du meilleur roman, l’un des plus prestigieux prix littéraires de la science-fiction.

Après avoir été traduit en français, il a trouvé son lectorat auprès des mordus de science-fiction en France. Suite à sa sortie, il est longtemps resté en tête de liste des romans de science-fiction et sur les étalages les plus visibles des librairies. En fait, il s’agit d’un nouveau rapprochement dans le monde littéraire sino-français. Depuis nombre d’années, les lecteurs chinois se nourrissent et se délectent d’œuvres de science-fiction françaises, notamment celles de Jules Verne (1828-1905), qui sont déjà traduites en chinois depuis le siècle dernier.

L’influence de Jules Verne 

En 1900, Le tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne a été introduit pour la première fois en Chine, après la traduction par Xue Shaohui (1866-1911), femme de lettres célèbre à la fin de la dynastie Qing (1368-1912). Depuis lors, les œuvres de l’écrivain français ont commencé à être constamment présentées aux lecteurs chinois, dont beaucoup de lettrés chinois renommés tels que Liang Qichao (1873-1929) et Lu Xun (1881-1936).

En 1902, Liang Qichao a publié en série, dans deux périodiques qu’il a édités, Deux Ans de vacances, après la traduction et la réécriture par Luopu (1876-1949) et lui-même, et Vingt mille lieues sous les mers, traduit par Lu Jidong et Hong Xisheng. Ces romans combinant parfaitement la science et l’aventure ont ravi les lecteurs chinois, qui étaient habitués à lire des œuvres liées aux aristocrates, à l’amour entre personnages extraordinaires, aux fées et aux monstres.

Inspirés par la science-fiction étrangère, les romanciers chinois ont commencé à embrasser ce sous-genre littéraire. Publié en série en 1904, Yueqiu Zhimindi Xiaoshuo (Histoire sur la colonie lunaire) est considéré comme le premier roman de science-fiction écrit par un auteur chinois. Il raconte l’histoire d’un groupe d’hommes aux nobles idéaux qui voyagent à travers le monde par montgolfière. Dans le roman, embarqués dans des aventures à la recherche de leurs proches disparus, les personnages rencontrent des peuples mystérieux de la lune.

Publié en 1908, Xin Shitouji (Nouvelle histoire gravée sur une pierre magique) du célèbre romancier Wu Jianren (1866-1910) est une œuvre plus représentative. Son héros Jia Baoyu, nommé en clin d’œil au personnage principal du roman Le Rêve dans le pavillon rouge, est téléporté dans une civilisation technologiquement développée et moralement parfaite. Il y découvre d’innombrables choses qui relèvent du surnaturel, par exemple, chasser en voiture volante le peng, un oiseau mythique chinois, ou faire d’incroyables voyages en sous-marins au fond de la mer. Il convient de mentionner que certains passages du roman ne manquent pas de rappeler le style de Jules Verne. Ces voyages dans l’espace et le temps n’ont peut-être rien d’étonnant pour les lecteurs habitués à la littérature en ligne, mais quand ces récits fantaisistes sont apparus en Chine il y a plus de cent ans, ils ont eu beaucoup de répercussions.

Pour les adolescents chinois 

Depuis leur introduction en Chine au début du XXe siècle, les œuvres du « Père de la fiction » Jules Verne restent toujours très populaires. Certains comparent l’écrivain au britannique Herbert George Wells (1866-1946), à la différence que ses romans peuvent être montrés aux enfants, tandis que ceux de H.G. Wells ne sont destinés qu’aux adultes.

Jules Verne ne voudrait pas que son lectorat se limite aux enfants, bien que ses œuvres aient inspiré quantité d’adolescents chinois. En 1945, l’écrivain chinois pour enfants Chen Bochui considérait M. Verne comme un éducateur de premier plan au XXe siècle. Il a écrit : « Des jeunes enseignants ont rapidement reconnu la valeur éducative de ses chefs-d’œuvre. Ces expéditions dans l’imaginaire […] éveillent la curiosité scientifique et les histoires sont édifiantes. »

À l’époque, de nombreux éducateurs chinois estimaient que les romans de Jules Verne avaient grandement motivé les jeunes lecteurs, qui les partageaient souvent en classe d’ailleurs. Des passages de Deux Ans de vacances sont même adoptés par des manuels des écoles primaires et secondaires.

Aujourd’hui encore, des œuvres de M. Verne telles que Vingt mille lieues sous les mers se retrouvent partout dans les librairies chinoises, permettant à des générations de Chinois d’apprécier la science-fiction et de s’intéresser à la science. D’un autre côté, le succès des productions cinématographiques telles que La Terre errante II a amené un nouveau groupe de lecteurs chinois à étudier les livres de Jules Verne.

*FEI DAO est maître de conférences au département de chinois de l’Université Tsinghua et auteur de science-fiction.

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