Culture

Shan Jixiang : l'Axe central de Beijing, une artère vivante
By LU RUCAI • membre de la rédaction | Dialogue Chine-France | Updated: 2022-08-09 17:10:00

Shan Jixiang, directeur de l’Institut du Musée du Palais, est un des plus grands experts de l’Axe central de Beijing. Après des études au Japon dans les années 1980, il a travaillé dans l’urbanisme et la protection du patrimoine culturel tour à tour comme directeur du Bureau municipal du patrimoine culturel de Beijing, directeur de la Commission municipale de la planification de Beijing, directeur de l’Administration d’État du patrimoine culturel, et enfin conservateur du Musée du Palais. Il a accordé une interview exclusive à Dialogue Chine-France. 

Présentation de Shan Jixiang sur la Cité interdite et l’Axe central de Beijing lors d’un événement culturel, le 4 mars 2019 

Dialogue Chine-France : Parlez-nous de votre lien avec l’Axe central de Beijing. 

Shan Jixiang : En 1984, après mon retour d’études à l’étranger, ma première tâche à l’Administration municipale de la planification de Beijing a été de participer à la planification et à la conception de la place Tian’anmen et de l’avenue Chang’an. La deuxième année, j’étais en charge de la préparation du plan de zonage de l’arrondissement de Dongcheng, et j’ai eu une meilleure compréhension des rues et ruelles et du patrimoine culturel du vieux Beijing. Plus tard, j’ai présidé l’enquête sur les zones de protection historique et culturelle de Beijing. Après avoir rendu compte des résultats, le gouvernement municipal a d’abord approuvé la création de 25 zones de protection historique et culturelle du vieux Beijing en 1990. La même année, j’ai rejoint la Commission d’urbanisme et de construction de la capitale en tant que responsable du département de l’urbanisme et du design. Une de mes tâches était de présider les travaux pilotes de protection et de rénovation des îlots historiques et culturels. Grâce à de nombreuses enquêtes et recherches, nous avons inclus davantage de hutong et de siheyuan dans la liste de protection. Ces quartiers historiques et culturels autour de l’Axe central de Beijing protègent en fait le paysage de l’axe en évitant la construction de grands immeubles. 

Dashilan, au centre du vieux Beijing, dans la partie sud de l’Axe central 

En 1994, je suis devenu directeur du Bureau municipal du patrimoine culturel de Beijing. Ce qui m’a marqué, c’est qu’en 1996, la bande étroite entre les douves et les murs de la Cité interdite abritait plus de 400 foyers et 20 entreprises et institutions, ce qui rendait les déplacements peu commodes. Une grande quantité des eaux usées s’y déversaient directement chaque jour. Nous voulions que la Cité interdite du XXIe siècle soit splendide, et avons invité des experts du patrimoine et des urbanistes pour formuler un plan afin de rénover les lieux. Les eaux usées ont pu être canalisées et les résidents relogés, redonnant aux douves leur caractère majestueux. 

En 2000, je suis allé à la Commission municipale de la planification de Beijing en tant que directeur. Nous avons délimité de manière exhaustive l’étendue des travaux de protection et formulé le Règlement sur la protection des sites historiques et culturels de Beijing, le Plan de protection de la ville impériale de Beijing, et le Plan de protection des 25 zones historiques et culturelles du vieux Beijing. 

En juillet 2001, avec le succès de la candidature de Beijing pour les Jeux olympiques de 2008, la construction urbaine à grande échelle a débuté. À cette époque, nous étions surtout préoccupés par l’intrusion de grands bâtiments dans le paysage culturel de l’Axe central de Beijing et de la Cité interdite. Après instructions, Beijing a planifié la construction de complexes d’immeubles en dehors du quatrième périphérique, avec la construction du quartier ouest de Zhongguancun vers le quatrième périphérique ouest, de la zone de sites olympiques vers le quatrième périphérique nord et du quartier central des affaires de Beijing vers le quatrième périphérique est. Au cours de cette période, nous avons participé à l’élaboration d’un certain nombre de plans comme le Plan directeur du parc olympique de Beijing, et examiné une dizaine de projets préliminaires. Durant cette période, une zone tampon du patrimoine culturel mondial de 14 km2 et une zone de contrôle pour les constructions étaient prévues autour de l’Axe central de Beijing, de la Cité interdite et du Temple du ciel, et une grande partie des siheyuan et des hutong ont été protégés. C’est précisément grâce à cet écran protecteur qu’il est aujourd’hui possible de poser la candidature à l’UNESCO. 

En 2002, j’ai occupé le poste de directeur de l’Administration d’État du patrimoine culturel. 

Shichahai au crépuscule, le 3 octobre 2020 

En 2011, lors de la 4e session du XIe Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois, j’ai présenté la Proposition pour la candidature de l’Axe central traditionnel de Beijing sur la Liste du patrimoine mondial. 

En 2012, j’ai été nommé conservateur du Musée du Palais jusqu’à ma retraite en 2019. Nous avons avancé divers travail pour éliminer les risques potentiels de sécurité dans la Cité interdite, comme mener à bien l’entretien et la protection des anciens bâtiments, délocaliser les unités occupant la Cité interdite, et formuler le Plan de protection global du Musée du Palais. En même temps, ont été créés l’Institut de recherche de la Cité interdite, l’Institut du Musée du Palais, et l’Hôpital des objets anciens de la Cité interdite. La surface ouverte aux visiteurs a dépassé 50 % en 2014, 65 % en 2015, 76 % en 2016 et 80 % en 2018. 

L’Axe central de Beijing est le plus long et le plus riche au monde, tout comme son caractère populaire et social. Comment comprendre ces deux dernières spécificités ? 

L’Axe central de Beijing est toujours au centre de la ville moderne et des gens y vivent. Que ce soit dans cette zone ou autour, les gens ont un lien émotionnel profond avec l’Axe central de Beijing dans leur quotidien. Cela se reflète dans la configuration urbaine en cinq sections. 

L’aspect écologique de Yongdingmen à Tianqiao, avec un espace vert. Cette section était autrefois l’endroit où la cour impériale effectuait des offrandes au ciel, mais c’est maintenant un espace de détente. Ce grand espace vert de 3 km2 est planté de pins et de cyprès, et il y a de très nombreux arbres anciens et célèbres, ce qui est rare non seulement à Beijing, mais aussi dans les autres villes du monde. 

L’aspect économique de Tianqiao à Qianmen, avec une zone commerciale traditionnelle depuis la dynastie des Qing. Elle rassemble de nombreuses marques séculaires, et est maintenant l’un des trois principaux centres commerciaux de Beijing. On y trouve des sites comme Liulichang et le parc Sanlihe dans les environs. 

Gilbert Van Kerckhove, résident de longue date de Beijing, dans un siheyuan transformé en lieu de détente, le 29 octobre 2018 

L’aspect politique de Zhengyangmen à la porte du Méridien de la Cité interdite, en passant par la magnifique place Tian’anmen, témoin de nombreux événements majeurs. Des édifices monumentaux et culturels sont disposés selon le schéma qui renforce l’Axe central. Cette section s’affirme historiquement comme centre politique. 

L’aspect culturel de Tian’anmen au nord jusqu’à l’entrée nord du parc Jingshan est l’incarnation la plus concentrée de la culture traditionnelle chinoise. Cette section abritait autrefois le palais impérial et est maintenant un site du patrimoine mondial qui reçoit chaque jour un grand nombre de visiteurs. 

L’aspect social du parc Jingshan aux Tours de la cloche et du tambour, une zone parmi les plus typiques de Beijing. Elle n’a pas changé de texture depuis la dynastie des Yuan, quand la vie des gens était rythmée par le son de la cloche et du tambour. Qu’il s’agisse de Shichahai, des anciens quais et de la zone de Nanluoguxiang, c’est un lieu de promenade pour les locaux comme pour les visiteurs. Son caractère populaire et social est marquant, et cette section est étroitement liée à la vie des gens. 

Des deux côtés de l’Axe central, il y a profusion de patrimoine culturel matériel et immatériel, de quartiers historiques et de parcs avec des vestiges. Les personnes qui y vivent ont un lien fort avec la culture traditionnelle du vieux Beijing, et ils transmettront et façonneront la culture traditionnelle à l’avenir. Aujourd’hui, tous travaillent pour protéger l’Axe central, mais aussi pour faire vivre sa culture, afin qu’elle puisse véritablement entrer dans la vie des gens et devenir un modèle d’intégration harmonieuse de la culture traditionnelle et de la vie moderne à Beijing. 

Vous avez mentionné que la protection du patrimoine n’est pas seulement l’affaire du gouvernement, mais aussi une cause commune pour des millions de personnes. Qu’ont fait le gouvernement municipal de Beijing et les résidents pour protéger ensemble l’Axe central ? 

Ces dernières années, le gouvernement municipal de Beijing a fait beaucoup de travail, et les habitants de la capitale ont également déployé de grands efforts. L’hôpital de Beihai et le centre commercial Tianyi mesuraient respectivement 23,7 m et 18 m de hauteur, ce qui nuisait à l’intégrité des caractéristiques historiques de l’avenue Di’anmenwai, de l’Axe central de la Tour du tambour et du pavillon Wanchun de Jingshan. Il a fallu procéder à des transformations. L’hôpital de Tiantan a été complètement relocalisé pour protéger le Temple du ciel dans son ensemble. L’hôpital de Jishuitan a été abaissé, afin que les personnes se tenant sur le pont Yinding à Shichahai puissent profiter de l’ensemble du paysage jusqu’au mont Xishan. Le lieu où les empereurs des dynasties des Ming et des Qing rendaient hommage aux ancêtres et participaient aux rites pour les bonnes récoltes était devenu la cour de récréation de l’École de Yucai. Il est désormais intégré à l’Autel de l’agriculture et en 2019, une zone d’exposition a été créée pour que les gens puissent non seulement mieux comprendre les rites associés à l’agriculture et aux récoltes, mais aussi participer aux labours de printemps et aux récoltes d’automne. Par ailleurs, Beijing a rénové de nombreux bâtiments anciens, tels que la Tour de la cloche et la Tour du tambour, la Salle Shouhuang du parc Jingshan et la Tour d’archers de Zhengyangmen, ce qui est d’une grande importance pour la candidature à la Liste du patrimoine mondial et pour montrer l’Axe central de Beijing. La candidature combine également des thèmes comme la gouvernance du vieux Beijing, l’amélioration des conditions de vie des résidents et la construction d’infrastructures. 

Le restaurant Maoxiaoyuan de Nanluoguxiang, à Beijing, le 13 février 2022

L’objectif principal de la candidature n’est pas seulement d’inscrire l’Axe central de Beijing sur la Liste du patrimoine mondial, mais plus important encore, de promouvoir la protection du vieux Beijing dans son ensemble, de renforcer sa valeur historique et culturelle, de faire connaître la culture et les traditions de la Chine, de mettre en valeur son style de ville-capitale, d’améliorer le cadre de vie des gens et le développement durable de la ville. La protection, la valorisation et l’amélioration de l’environnement de l’Axe central de Beijing est une question qui nécessite la participation de toute la société. Un travail qui continuera même après l’inscription.  

Numéro 12 avril-juin 2022
L'Axe central de Beijing, une artère historique
Le charme de Beijing à travers les figurines en farine
La Chine agit pour protéger la biodiversité végétale
Un siècle de photographies de l'Axe central de Beijing
Liens