La Chine et le prédécesseur de l’Union européenne (UE), la Communauté économique européenne (CEE), ont établi des relations diplomatiques en 1975. Cette année marque le 50e anniversaire de ce jalon historique, à un moment où le développement des relations bilatérales fait face à d’importants défis, mais aussi à de grandes opportunités. Ces cinquante années témoignent d’une relation de longue date qui a favorisé une meilleure compréhension et une connaissance mutuelle accrues. Cette histoire commune a permis aux deux parties de surmonter des hauts et des bas, et d’aborder les malentendus de manière constructive.
Pascal Lamy, alors commissaire européen au Commerce et Shi Guangsheng, alors ministre chinois du Commerce extérieur et de la Coopération économique, après la signature de l’accord sur l’adhésion de la Chine à l’OMC à Genève, le 19 mai 2000
Tout au long de ce parcours, les deux parties ont évolué de manière largement parallèle. En 1975, la CEE posait les bases de l’influence qu’elle exercerait au cours des décennies suivantes ; de son côté, la Chine traçait la voie de sa politique de réforme et d’ouverture, qui allait propulser la croissance que l’on sait de son économie. Grâce à ces choix, la Chine comme l’UE font désormais figure d’acteurs majeurs sur la scène internationale, jouant un rôle essentiel pour relever les grands défis de la société mondiale.
Il convient également de souligner qu’au cours de cette période, une tendance principale se dégage, à savoir la reconnaissance générale du respect mutuel et du dialogue, ainsi que l’effort pour parvenir à des accords justes et mutuellement bénéfiques.
La signification des chiffres
La Chine et l’UE sont les principaux partenaires commerciaux l’une pour l’autre. Au cours des 50 dernières années, la valeur du commerce bilatéral est passée de 2,4 milliards de dollars américains au cours des premières années à 780 milliards de dollars américains aujourd’hui, soit une multiplication par 325. Selon les données douanières chinoises, au premier trimestre 2025, la valeur des échanges entre les deux parties a atteint 1,3 billion de yuans, soit une augmentation de 1,4 % en glissement annuel.
Madrid célèbre le Nouvel An chinois avec des spectacles mêlant les cultures d’Espagne et de Chine, le 9 février 2025.
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. La Chine et l’UE sont respectivement les deuxième et troisième plus grandes économies mondiales, représentant ensemble plus d’un tiers de l’économie mondiale et un quart du commerce mondial. Leur relation se caractérise par une profonde interdépendance et une haute complémentarité. Mais ce qui ressort peut-être le plus, surtout dans le contexte actuel, c’est leur défense commune de principes fondamentaux aujourd’hui remis en question que sont la mondialisation inclusive, le multilatéralisme, le libre-échange et le rôle central de l’Organisation mondiale du commerce. Ces principes sont des fondations essentielles pour renforcer leur relation et relever les défis contemporains.
Cela, malgré le fait que, ces dernières années, l’UE ait défini la Chine non seulement comme un partenaire, mais aussi comme un concurrent et un « rival systémique ». Certaines frictions sont apparues dans leur relation. Trois facteurs principaux peuvent être identifiés pour expliquer cette évolution.
Premièrement, nous nous trouvons au cœur d’une nouvelle vague de révolution industrielle et technologique, qui pose d’importants défis à tous, en particulier dans un contexte de crise climatique croissante qui menace gravement l’avenir de l’humanité. Deuxièmement, il existe une disparité systémique. Alors que le modèle politique chinois permet une prise de décision et une mise en œuvre rapides et efficaces, le processus politique de l’UE continue de souffrir de limitations qui freinent les actions audacieuses, à un moment où l’agilité est pourtant nécessaire. L’ancien dilemme formulé par l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger, qui demandait « Qui dois-je appeler si je veux parler à l’Europe ? », reste sans réponse. Cela a conduit à des malentendus avec Beijing, par exemple lorsque la Chine renforce ses relations bilatérales avec certains pays de l’UE ou établit des forums sous-régionaux avec les pays d’Europe centrale et orientale, ce qui est souvent perçu comme une tentative de fragmenter l’UE, alors qu’il ne s’agit en réalité que d’un reflet du rythme différencié de l’intégration européenne.
Enfin, le contexte stratégique doit être pris en compte. Actuellement, la crise latente des relations transatlantiques soulève d’importants dilemmes qui génèrent une certaine inquiétude au sein de l’UE.
La Chine et l’UE ont donc besoin de plus de dialogue, de plus de coordination et de plus de communication afin de construire une confiance accrue.
Le rôle de l’Espagne
En avril de cette année, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a effectué sa troisième visite en Chine en trois ans, devenant ainsi le premier chef de gouvernement d’un État membre de l’UE à se rendre à Beijing après l’annonce par le Président américain Donald Trump de l’imposition de droits de douane mondiaux.
La Mission chinoise auprès de l’UE organise une cérémonie de remise de prix pour un concours créatif à l’occasion des 50 ans de relations Chine-UE, le 28 avril 2025.
Ce tournant international a mis en lumière un fait significatif. Largement et unanimement opposée à la hausse des tarifs douaniers, l’UE partage aujourd’hui bien plus de positions clés avec la Chine qu’avec les États-Unis. Même sur des questions comme la paix en Ukraine, où la Chine soutient l’UE pour qu’elle joue un rôle, à la différence des États-Unis. Nous sommes donc à l’aube d’un possible changement de paradigme, susceptible de favoriser une meilleure entente entre la Chine et l’UE, un rapprochement accru et, espérons-le, un dialogue bilatéral plus profond pour revitaliser les fondements de la gouvernance économique mondiale. Et cela, en dépit des efforts constants de Washington pour pousser l’UE à adopter sa stratégie d’endiguement vis-à-vis de la Chine.
L’Espagne est le cinquième partenaire commercial de la Chine au sein de l’UE. Les échanges bilatéraux ont dépassé les 50 milliards de dollars américains en 2024, avec d’importants investissements en cours, et à la suite de la récente visite du Premier ministre Pedro Sánchez, une augmentation notable des exportations espagnoles est attendue.
Un robot humanoïde lors de l’ouverture de la 4e Exposition Chine–PECO et du Salon international des biens de consommation à Ningbo (Zhejiang), le 22 mai 2025
L’opinion publique espagnole est majoritairement pro-européenne et favorable à un renforcement des liens avec la Chine. Le gouvernement espagnol estime qu’il existe un espace pour traiter des défis communs tels que le changement climatique et la pauvreté, et plaide en faveur de ce rapprochement au sein de l’UE. Par ailleurs, l’Espagne offre un atout particulier, qui est son influence dans le Sud global, agissant comme un pont vers le monde occidental.
La Chine et l’UE partagent leur rejet de l’unilatéralisme, du protectionnisme et de l’hégémonisme économique. Elles s’engagent également en faveur de la stabilité des chaînes d’approvisionnement et de production, ainsi que de la stabilité systémique mondiale. Les deux parties partagent des principes, ont des intérêts communs et des priorités alignées. Les différences qui subsistent constituent une incitation à développer une culture de la négociation, ancrée dans des traditions profondes et mutuellement respectées par les deux partenaires.
Un avenir commun
La coopération entre la Chine et l’UE revêt un poids stratégique considérable. Cela s’explique par le fait que ces deux acteurs ont la capacité d’influencer fortement l’orientation de l’agenda mondial.
Dans un contexte marqué par une grande turbulence et une forte incertitude, la gestion de la relation avec la Chine constitue l’épreuve décisive de la véritable autonomie stratégique de l’UE. La crise, ou le risque d’effondrement, de l’ordre transatlantique pousse l’UE à repenser sa relation avec la Chine sur la base de ses propres intérêts. Si l’UE aspire à jouer un rôle global réel, seule une relation renouvelée avec la Chine peut lui apporter cette valeur stratégique supplémentaire. Elle peut également offrir une stabilité de plus en plus menacée en interne par la montée des extrémismes.
*XULIO RÍOS est conseiller émérite à l’Observatoire de la politique chinoise en Espagne