Cette année marque le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Union européenne (UE) et la Chine et constitue un jalon important qui appelle à la fois à la réflexion et à un nouvel engagement en faveur de la coopération. Depuis l’établissement de liens officiels en 1975, la relation Chine-UE s’est développée pour devenir l’un des partenariats économiques les plus importants au monde, fondé sur l’intérêt mutuel, la confiance et une interdépendance croissante. Aujourd’hui, cette relation entre cependant dans une nouvelle phase, façonnée à la fois par des défis et des opportunités.
Les modèles C909, C919 et C929 de COMAC au Salon international de l’aéronautique et de l’espace à Paris, le 16 juin 2025
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a provoqué des secousses dans l’économie mondiale. Dans une escalade brutale, les États-Unis ont imposé des droits de douane coercitifs sur les importations chinoises, invoquant la protection du tissu industriel américain et des préoccupations liées aux déséquilibres commerciaux persistants. L’Europe n’a pas été épargnée.
Dans ce contexte d’incertitude, la relation entre la Chine et l’UE devient plus que jamais essentielle. Ce qui est encourageant, c’est que les deux parties ont pris d’importantes mesures ces derniers mois pour renforcer leurs liens et réaffirmer leurs intérêts communs. En avril, la présidente de la Commission européenne,
Ursula von der Leyen, a eu un échange téléphonique constructif avec le Président chinois Xi Jinping, soulignant l’importance de relations équilibrées et stables. Peu de temps après, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s’est rendu à Beijing, réaffirmant l’intérêt constant de l’Europe pour une coopération dans de nombreux domaines, de la lutte contre le changement climatique et l’innovation technologique en passant par le développement mondial et à la résilience économique.
Des véhicules de collection participent à l’aventure « Voyage en tacots Beijing-Paris » à Jinta (Gansu), le 22 mai 2025.
Naturellement, la relation entre la Chine et l’UE s’est approfondie et a mûri au cours des cinquante dernières années. Aujourd’hui, elle s’inscrit dans un cadre qui reconnaît sa nature plurielle, à la fois partenariat, concurrence, et parfois des différences systémiques. Cette évaluation équilibrée, formulée pour la première fois par la Commission européenne en 2019, traduit une compréhension plus complète de la relation. C’est une vision qui favorise la coopération tout en abordant de manière constructive les points de divergence.
Dans le cadre de cette dynamique, la coopération demeure non seulement possible, mais essentielle. Les défis mondiaux communs comme le changement climatique, la santé publique et l’innovation scientifique, nécessitent précisément le type de collaboration pragmatique que la Chine et l’UE, en tant qu’acteurs mondiaux majeurs, sont particulièrement bien placés pour offrir. Dans la finance verte, les énergies renouvelables et la décarbonation, leur leadership conjoint peut générer un impact global significatif.
Parallèlement, une concurrence économique saine continue de jouer un rôle dans la structuration de la relation. Les efforts de l’Europe pour renforcer sa résilience dans des secteurs clés comme les matières premières critiques et les technologies de pointe s’inscrivent dans une ambition plus large de bâtir une autonomie stratégique. De son côté, la Chine poursuit sa propre voie de développement de haute qualité et d’innovation domestique. Ces trajectoires parallèles n’impliquent pas nécessairement une confrontation et peuvent au contraire ouvrir la voie à une croissance complémentaire et à une relation commerciale plus équilibrée.
Le Brussels Express est le 179e navire de ligne internationale de l’année ancré au terminal à conteneurs de Dapukou dans le port de Ningbo-Zhoushan (Zhejiang), le 1er février 2025.
Des différences dans les modèles de gouvernance, les approches réglementaires et les valeurs sociétales existent naturellement entre les deux parties. Toutefois, ces différences ne doivent pas définir la relation. Grâce au dialogue ouvert et au respect mutuel, la Chine et l’UE peuvent gérer leurs désaccords tout en élargissant les domaines de consensus. La capacité à dialoguer de manière franche mais constructive est le signe d’un partenariat mûr.
Les fondamentaux économiques de ce partenariat restent solides. En 2024, les échanges commerciaux entrela Chine et l’UE ont dépassé les 700 milliards d’euros. Cette interdépendance demeure significative, la Chine étant le premier partenaire commercial de l’UE pour les importations et le troisième pour les exportations. Malgré des fluctuations à court terme, la tendance de fond témoigne du renforcement des liens économiques entre les deux parties.
À une époque où le multilatéralisme fait face à des vents contraires et où le système commercial fondé sur des règles est mis à rude épreuve, l’UE et la Chine partagent la responsabilité de défendre l’ouverture économique et la coopération mondiale. Les efforts visant à réduire les risques doivent être soigneusement calibrés afin d’éviter un glissement vers le protectionnisme ou le désengagement. À cet égard, la stratégie européenne de « réduction des risques » doit rester solidement ancrée dans le dialogue et la transparence, des objectifs que la Chine a constamment soutenus.
De nombreuses opportunités s’offrent pour approfondir la coopération sur les marchés tiers, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, où la Chine et l’Europe peuvent mettre en valeur la complémentarité de leurs forces dans les infrastructures, la finance et les normes de gouvernance. En outre, la diplomatie entre les peuples, des échanges universitaires à la coopération culturelle, peut contribuer à construire la compréhension mutuelle nécessaire pour faire vivre cette relation dans les décennies à venir.
Alors que le monde entre dans une nouvelle période d’instabilité économique, géopolitique et environnementale, le besoin de partenariats stables et constructifs se fait plus pressant que jamais. Malgré sa complexité, la relation Chine-UE demeure indispensable. En cette année anniversaire, l’enjeu ne réside pas dans la nostalgie, mais dans le renouveau et les perspectives à venir. Si la Chine et l’UE parviennent à traverser cette période de turbulences avec pragmatisme, respect mutuel et ambition, toutes deux pourront protéger leurs intérêts communs et démontrer que la coopération malgré les différences reste possible et demeure un levier puissant pour construire un ordre mondial plus stable.
*THOMAS SCOTT-BELL est producteur de programme à Asia House